Parmi la longue liste des choses que je détestais, être en retard était en tête. Il m’arrivait même, pour les rendez-vous importants, d’arriver une heure à l’avance… Par habitude, j’avais toujours ma liseuse dans mon sac à main et j’avais fait de l’attente mon sport de prédilection. Oui, j’attendais bien. Et aujourd’hui, j’attendais avec nonchalance, accoudée au bar du bas de la rue. Armée de ma liseuse et d’un grand verre du cocktail maison sans alcool, j’attendais de vieilles amies de la fac de médecine avec qui j’avais prévu de passé la soirée. 

Alors oui, j’aurais pu attendre avec un bon verre de Whisky ou même une petite bière mais boire seule était d’une tristesse macabre, ou du moins, selon moi. De plus, ayant déjà un peu abusé de la boisson plus tôt dans la semaine, j’avais donc la ferme intention d’épargner un peu mon foie pour cette fois. Boire est agréable, mais je suis trop bien placée pour savoir que l’organisme n’était pas du tout du même avis en règle générale. C’était dommage pourtant, étant donné que j’étais venue à pieds, n’habitant qu’à un pâté de maison du bar en question. 

Quelle douce illusion : Quelques pas pour avoir la conscience tranquille et se dire que le sport de la journée était fait ! Non pas que je sois soit fainéante mais, après une journée à courir partout dans l’hôpital, il ne fallait pas m’en demander davantage. J’aurais largement le temps de faire plus dans la semaine ou même ce weekend puisque j’étais de repos. Une idée qui ne me réjouissait qu’à moitié d’ailleurs, je préférais être de repos dans la semaine, il y avait moins de monde, c’était plus calme… Là aussi, je voyais bien assez de gens à l’hôpital pour ne pas les supporter de partout, aussi sociable puisse-je être. 

« Hey mam’sel ? Z’êtes toute seule ? Qu’est qu’un aussi joli endroit fait dans une fille pa… Oh, non, qu’est ce qu’une aussi jolie fille fait dans un endroit pareil ? »

L’homme qui venait d’émettre ces sons étranges s’était plus ou moins littéralement jeté sur le bar à côté de moi, son coude bousculant légèrement le mien au passage. Il sentait bon l’alcool et aurait put être charmant si j’étais saoule et qu’un épais brouillard s’était installé dans le bar. Avec un sourire de pure politesse, je me décalais légèrement en me tortillant sur le tabouret. 

« Et bien l’aussi jolie fille tente de lire tranquillement en attendant son fiancé qui ne devrait pas tarder. Merci beaucoup de vous en inquiéter ? »

Il eu un rictus… Ou un hoquet ? Puis observa les alentours. En vue de l’heure, il n’y avait pas encore foule et j’avais donc peu de chance de le voir se distraire avec quelqu’un d’autre avant un bon moment. Je profitais de sa brève inattention pour me décaler un peu plus puis, avec la même élégance, il reporta à nouveau son attention sur moi. Par magie, je le retrouvais à nouveau presque collé à moi, son souffle fétide sur mon visage, trop près. Tant bien que mal, je gardais mon sourire pour ne pas le vexer, je tentais de rester calme. Au fond, j’étais prête à lui donner un coup de genoux bien placé pour faire remonter un peu de sang dans ce qui lui restait de cerveau… 

« Ben je peux attendre avec vous. Au cas où voyais... »

Au cas où un boulet comme vous viendrait me parler ? Ah ben ça c’est vraiment trop aimable tient… Pourquoi c’était toujours pour moi hein ? Un soupir tente de franchir mes lèvres mais je parviens à le retenir de justesse. Hors de question de l’énerver, il faut rester calme et tenter de le faire partir tranquillement… 

« Merci, c’est très gentil de votre part mais je peux vraiment me débrouiller seule et je n’ai pas à attendre longtemps. »

Malheureusement, mon charmant garde du corps ne semble plus avoir toutes les connexions nécessaires au bon fonctionnement de son cerveau… Et il prend donc cela comme une invitation. La magie de l’alcool… Toujours avec classe, il enserre son bras autour de ma taille et m’attire vers lui. Son regard est devenu lubrique et je suis intimement persuadée qu’il n’y a définitivement plus une seule goûte de sang au dessus de sa ceinture. Surprise et légèrement désemparée, je me recule un peu, manquant de tomber de mon tabouret, retenue de justesse par sa poigne. Il n’a pas l’intention de me lâcher et ça ne me séduit pas le moins du monde… 

« On peut faire passer le temps dans les toilettes si tu préfères... »

Sa voix semble encore plus déformée qu’avant, tout en lui me dégoûte et je suis si mal qu’aucun de mes membres ne semble vouloir répondre aux ordres désordonnés de mon cerveau. Je dois me lever, le repousser, partir, appeler à l’aide. Où étaient passées toutes ces années de self-défense ? Pourquoi personne dans le bar ne semblait voir ma détresse ? Le temps s’était-il arrêté ? Soudain, me faisant sursauter, une main se pose sur l’épaule de mon assaillant. Calme, grande, virile. Une main que je ne reconnais pas encore… Mon sauveur ?

Tout s'était passé très vite. La main sur l'épaule, quelques mots échangé, une voix virile avec une pointe d'accent. J'avais déjà entendu cette voix et elle m'avait déjà fait cet effet... Le policier ? Il me fallut quelques secondes pour me retourner et pour pleinement me rendre compte de la situation. Quand mon cerveau fut à nouveau à peu près opérationnel, je me retrouvais nez à nez avec le jeune homme que j'avais tenté de soigner quelques jours plus tôt, son visage tout proche du mien, son souffle chaud sur mon visage. L'avais-je déjà vu d'aussi près ? Avais-je vraiment déjà remarqué la couleur si particulière de ses yeux ? Erreur système, mon cerveau à de nouveau perdu le fil, ne captant qu'à moitié les mots qu'il venait de me dire... Des excuses ? Mais pourquoi au ju... Oh pu*ain !

En quelques secondes, mes connections étaient de retour, trop tard pour le boulet mais ce n'était pas une grande perte. Il était en revanche hors de question que mon patient se batte plus que ça, il était blessé et n'avait pas accepté une réparation correcte, les agrafes risquaient de sauter (si ce n'était pas déjà fait...) et il pourrait avoir des problèmes plus graves par la suite. Non, ce n'était pas envisageable, je devais faire quelque chose et vite. Mon assaillant, trop heureux de pouvoir se défouler, c'était rapidement jeter sur mon sauveur, impatient d'entamer une belle bagarre de bar dans les règles de l'art. Pas aujourd'hui, pas à cause de moi. Mais ils étaient tous les deux bien plus imposants que moi, je ne faisais pas le poids. Où étaient donc passé ces nombreux cours de self-défense !?

Impossible de lui mettre un coup de sac à main au risque de casser son contenu, lui jeter le tabouret dessus risquait d'être mal vu par le bar, il ne me restais pas beaucoup d'options... Mais la première que j'avais envisagée quand il avait commencé son cinéma me semblait tout à fait appropriée. Ma petite taille devrait me permettre de me faufiler entre eux. Ni une ni deux, je sauter de mon tabouret et m'interposais entre eux, face à mon assaillant. Pris par surprise, il s'arrêta dans son élan, trop tard. Il m'avait simplement fallut un bon timing, avec sa vitesse et la mienne, le coup était parfait et très bien placé. Sans doute trop bien à son goût, le sang a dû remonter un peu vite au cerveau et il ne fut même pas capable de vraiment réagir, se contentant de mettre ses deux mains entre ses jambes.

Profitant de son état de choc, j'attrapais la main du policier pour l'attirer hors du bar avec un regard d'excuse au barman. Heureusement que j'avais déjà payé ma consommation ! Une fois dehors, je jetais un bref regard en arrière pour voir notre cher ami à genoux au sol, le souffle court. Il allait lui falloir un moment pour se remettre et personne ne semblait vraiment mécontent de le voir dans cet état. Nous n'étions pas suivi, à part par quelques regards d'incompréhension. Devais-je remercier mon sauveur ou le gronder pour avoir manqué de déclencher une bagarre générale ? Sans compter qu'il aurait pu se blesser à nouveau et que c'était complètement idiot ! Et en plus il n'était pas revenu me voir pour que je refasse ses points proprement maintenant que j'y pense ! Tout ça sous le prétexte vaseux qu'il savait le faire et qu'il n'avait pas le temps au moment où je l'avais rencontré pour la première fois... N'importe quoi !

« La situation vous y contraignait ? Vous êtes fou ! Ça aurait tellement pu mal tourner ! Et votre blessure elle...  »

Sans lui laisser le temps de dire ou faire quoi que ce soit, je relevait sa veste pour voir si son t-shirt n'était pas ensanglanté. Ce n'était pas le cas, l'homme n'avait pas eu le temps de l'attaquer, mais ça ne voulait pas dire que la blessure était belle. Je n'osais quand même pas le mettre à moitié nu en pleine rue, surtout en vue de l'étrange souvenir que cette vision m'avait laissée... Mais nous n'étions pas loin de chez moi et j'avais tout ce qu'il fallait pour pouvoir finir mon travail proprement. Il ne le savait pas encore mais j'étais têtue et beaucoup trop consciencieuse pour laisser un patient dans la nature comme ça. Surtout une tête brûlée comme il avait l'air de l'être. Ce serait aussi une façon de mieux comprendre les étranges sentiments que j'avais ressentis lors de notre première rencontre... Sûrement juste la fatigue d'ailleurs.

« Vous avez de la chance, elle ne semble pas s'être rouverte... Mais vous aviez promis de repasser à l'hôpital pour que je puisse recoudre proprement et j'attends toujours ! Si vous êtes aussi prompt à la bagarre, vous allez finir par avoir une infection et il est hors de question que je m'en sente coupable. »

Je lui lançais un regard réprobateur, réalisant que je tenais toujours le coin de sa veste dans la main. Mon geste pour la lâcher fut un peu plus brusque que prévu, comme si elle s'était mise à me brûler les doigts... Bien fait pour lui si ça avait été un peu douloureux en retombant sur la plaie ! Non mais franchement ! Pour qui se prenait-il avec ses grands airs de mauvais garçon insensible à la douleur ! On ne me la fait pas à moi !

« Mon appartement est au coin de la rue. Si vous avez le temps maintenant je peux m'en occuper tout de suite et vous serez débarrassé de moi. Sinon, je contrains Rafe ou un des Jacobson à vous emmener à l'hôpital pendant votre service, à vous de voir. »

Les remerciements attendraient un peu, mon cœur battait encore trop fort dans ma poitrine et mon cerveau était encore en bouillie. Et puis mince, c'est lui qui avait cherché les ennuis aussi non ? J'aurais aussi pu... Oui, non, j'étais bien contente de ne pas m'être fait violer dans les toilettes... Mais quand même ! Quoi qu'il en soit, maintenant que mes yeux son plantés dans les siens sur un air de défi, je réalise pleinement à quel point ils sont bleus... Et je crois que mon cœur en rate quelques battement, comme s'il avait besoin de ça dans son état. Il semblerait que cet homme ait un effet sur mon cerveau et je n'aime pas vraiment ça... Ou est-ce le contraire ?

Je ne sais pas pourquoi j'étais énervée à ce point ni même pourquoi je le deshabillais quasiment en pleine rue. L’adrénaline sûrement, les étranges sentiments que je ressentais à son égard aussi. Je ne l’avais pourtant vu qu’une fois mais... Je n’avais pas cessé d’y penser. Le contact de sa peau, la couleur de ses yeux, sa voix. Je m’étais même surprise à faire des rêves peu catholiques... Ce n’était pas de moi et cette impression de perdre le contrôle me déplaisant fortement. Quoi qu’il en soit, nous étions à nouveau face à face et sa blessure, bien qu’assez laide du fait que je n'ai pas pu m'en occuper correctement, ne semblait pas ouverte malgré les coups reçus. À sa remarque, je lui lançais un nouveau regard assassin mais cette fois accompagné d’un petit sourire en coin. 

« Désolée, la situation m'y contraignais. »

Et vlan, dans tes dents ! Mais pourquoi j'étais aussi méchante avec lui au juste ? Il n’avait fait que me sauver la mise finalement... Bon, il avait aussi refusé mes soins et je crois que je lui en voulais un peu pour ça. Je n’avais pas eu le temps de m’occuper correctement de sa blessure et ça m'avait inquiété. Surtout que ca m'avait laissé moins de temps avec lui et ça aussi c’était une source de frustration. Même si ça m’avait aussi évité de faire un faut pas... Lui proposer de venir chez moi était d'ailleurs une terrible idée mais c’était trop tard, les mots avaient franchit mes lèvres sans que j'y réfléchisse vraiment. J’espérais presque qu’il refuse, ce qui ne fut pas le cas. Au contraire, il s’empara délicatement d'une de mes mèche rebelle et la plaça derrière mon oreille avant d’accepter. Étrangement, il restait très calme face à ma fureur injustifiée. Peut-être avait-il l’habitude de voir des femmes hystérique après une agression ?

0Toujours est-il que son attitude fit retomber un peu ma tension. Même si le bref contact de sa main sur ma joue avait eu un drôle d’effet sur mon corps... J’allais répondre, agir, mais il ne m'en laisse pas le temps, attrapant mon bras pour m’entraîner loin du bar, dans la bonne direction. À croire que le flair des policiers n’était pas une légende ! Je le suivais donc maladroitement, tournant rapidement la tête pour constater que l’homme semblait bien nous chercher. J’accepterais donc le pas, prenant même les devants pour le guider vers mon appartement. En chemin, je restais silencieuse, sentant la pression remonter doucement. Un autre genre de pression en revanche... Inviter un inconnu chez moi, c’était une première ! Et ce n’est pas parce qu’il était un policier qu’il était forcément bien intentionné ! Et quand bien même il l’était, que devrait-il penser de moi ?! J’espère qu’il ne verrait pas cela comme une proposition malsaine... Trop tard pour faire demi tour, nous étions déjà devant chez moi. 

Nerveusement, je sortais les clefs de mon petit sac à main et ouvrais la porte du bas. En général, je prenais l’escalier pour monter les trois étages mais je ne savais pas dans quel état il était vraiment... Puis j'étais moi-même encore un peu sous le choc. Mieux valait prévenir que guérir, j’appuyais donc sur le bouton de l'ascenseur qui, par chance, s’ouvrit immédiatement. L’inspecteur ne tenait plus mon bras depuis quelques temps maintenant mais je me sentais toujours étrange, passant cela sur le choc des récents événements. Une fois dans la petite boîte en métal, je me raclais discrètement la gorge, ne sachant trop que dire. Le silence n’était pas pesant mais plutôt... Électrique ? C'était bien la première fois que je me sentais autant physiquement attirée par un homme. En réalité ça n’était même jamais arrivé tout court. En général, je trouvais la personne charmante puis j’apprenais à la connaître puis, éventuellement, j’envisageais autre chose. Avec lui, j'envisageais bien volontiers des choses auxquelles je n’avais qu'à peine songé avec d'autres... Comme un aimant. 

Le signal sonore de l’ascenseur me tira de mes pensées. Je secouais imperceptiblement la tête, raclais à nouveau ma gorge puis sortais en direction de mon appartement qui était le deuxième à droite. J’avais eu le nez creux en faisant le ménage hier ! Au moins il ne serait pas témoin de mon bordelisme aiguë ! Toujours un peu maladroitement, je glissais la clef dans la porte et l’invitais à entrer d’un signe de la main avec un petit sourire gêné. Directement à l'entrée, le salon avec cuisine ouverte. Une pièce assez petite mais chaleureuse et bien agencée. Je jetais mon sac sur le tabouret du bar puis lui indiquais le canapé. En me retrounant, je réalisais d'ailleurs que son t-shirt avait rougit depuis notre départ du bar... Toujours silencieuse, je me rapprochais de lui et lui lançais un regard interrogateur, façon silencieuse de lui demander l’autorisation cette fois. Docilement, il remonta lui-même son haut, laissant apparaître la plaie qui s'était en faut légèrement ouverte. À vue d’oeil, une des agrafes avait sauté, rien de grave mais il fallait quand même agir et c’était une excellente excuse pour corriger cette atroce négligence.

« Il semblerait que j'ai été un peu optimiste... Installez-vous sur le canapé et enlevez votre haut, je vais chercher de quoi réparer tout ça. Vous voulez boire quelque chose ? »

J’avais terminé ma phrase en étant déjà en chemin vers la salle de bain qu’il pouvait apercevoir du canapé. Une petite pièce également mais où j’avais pas mal de choses dont une trousse de médecine complète offerte par ma grand mère. J’avais aussi piqué quelques compressés à l’hôpital, rien de condamnable. Une fois le matériel nécessaire rassemblé, je posais le tout sur la table basse et me dirigeais vers la cuisine pour le servir. Deux verres à la main, je revenais vers lui, tentant de paraître impassible face à son torse nu. Un bel homme, musclé à la perfection. Le rouge me monta aux joues et je baissais rapidement les yeux vers ma trousse de soin pour m'occuper l’esprit et les mains. Il fallait que je me concentre pour ne pas faire n'importe quoi et, surtout, pour ne pas perdre le semblant de contrôle que j'avais. Une fois parée, jenfilais mes gants et soufflait un bon coup. Ça n’allait pas être évident dans des circonstances pareilles mais j’avais fait pire. 

« Ça ne sera pas très agréable mais ça ne devrait pas faire mal. La plaie est presque fermée malgré tout donc ce ne sera pas trop compliqué. »

Expliquais-je, déjà occupée à désinfecter la plaie en question. J’avais l’outil nécessaire pour enlever les agrafes et de quoi refaire des points plus propres. Ça ne serait pas confortable mais, en vue de la rapidité avec laquelle il s’était lui-même installé les agrafes, il semblait dur au mal. De toutes façons, il n’avait plus le choix et moi non plus. Le plus délicatement possible, j’ôtais les agrafes, tentant de limiter les contacts directs car mes mains étaient froides et que sa peau avait un drôle d’effet sur mon cerveau. Les sourcils légèrement froncés, je tournais la tête d’un côté puis de l’autre, cherchant la bonne lumière, le meilleur angle. Parfois, je me pinçais la lèvre inférieure, inquiète à l’idée de lui faire mal. 

« Bien, le plus pénible est fait voulez-vous faire une petite pause avant de passer aux points ? La plaie est plus belle que ce que je pensais. Deux agrafes avaient sauté mais ça n'a rien rouvert.
 »

Dis-je en désinfectant à nouveau la plaie. En relevant enfin les yeux vers lui, je remarquais quelques autres cicatrices que je n’avais pas remarqué la première fois. L’envie de lui demander m'effleura l’esprit mais c’était déplacé et je ne voulais pas le mettre plus malaise que cela. Quoi que j'étais peut-être la seule dans cet état ? Une chance que mon verre soit plein d’eau et que je n'ai pas eu le temps de boire au bar ! Ma main toujours appuyée sur sa plaie, tenant la lingette désinfectante, j'attendais un peu bêtement sa réponse. Ce n’était pas de moi d'être autant à côté de la plaque...

Malgré le sang qui couvrait à présent la plaie, seules quelques agrafes avaient sauté. Je comptais tout de même en profiter pour toutes les enlever afin de réparer proprement la blessure d'origine ce qui lui évitera une trop vilaine cicatrice. Et puis il aura eu double peine, ça lui apprendra à ne pas écouter les conseils et à jouer les rebelles... Il n'était pourtant pas mon premier patient récalcitrant mais je ne sais pas pourquoi, son attitude m'avait mise dans cet état. J'étais pourtant d'un naturel avenant et d'une patience rare... Je crois sincèrement que cet homme a un effet étrange sur mon système nerveux et pas uniquement la d'ailleurs. 

En effet, le contact avec sa peau avait eu le même effet que la première fois. J'avais pourtant connu des peaux plus douces mais la sienne déclenchait une réaction unique dans les capteurs sensoriels du bout de mes doigts... Me concentrer sur mon travail avait donc été assez difficile et je remerciais le ciel que sa blessure ne soit pas plus sérieuse. Sans cela j'ai bien peur que je n'aurais pas été capable d'être pleinement efficace... Oui oui, c'était à ce point. À un tel point que ça m'énervait profondément. Je me sentais idiote de me mettre dans un tel état, de ressentir ces étranges sensations, de les laisser me déranger dans ma tâche. C'était très loin d'être professionnel et donc, très loin d'être moi.

Malgré mon cerveau en surchauffe, je m'appliquais donc à ma tâche, tentant de faire abstraction de toutes ces étranges sensations, tentant de me concentrer sur les réactions de mon patient pour ne pas y aller trop vite ou trop brutalement. Je n'avais d'ailleurs pas menti : ce n'était pas agréable. Rien d'atrocement douloureux mais cette partie allait quand même être bien plus pénible que la suivante. Il fallait que je tire un peu, que je triture... Le reste irait plus vite et mes gestes seront plus sûrs car ils ne dépendront que de moi et pas de la bonne volonté d'une fichue agrafe ! Toujours est-il qu'il se montrait aussi courageux que la première fois, se contentant de quelques légers grincements de dents. C'était admirable.

J'étais presque surprise de le voir aussi docile d'ailleurs... Notre première rencontre avait été un peu plus musclée et je m'étais donc attendu à un nouveau refus de coopération. Comme quoi, les gens changent ! Remarque, je ne lui avais pas vraiment laissé le choix... Aucun regret ! Non mais ! Mais je me retiens de faire la moindre remarque pour le moment, me contentant de me redresser et de lui proposer une pause maintenant que le plus dur était fait. Une fois la plaie nettoyée, il se redresse et accepte de prendre quelques minutes. Comme j'étais à genoux près de lui, je pu voir ses muscles se contracter avec ses gestes... Eux aussi étaient impressionnants. Je secouais imperceptiblement la tête pour ne pas me perdre dans une admiration béate.

Après m'être éclaircit la gorge, je dépose mon matériel sur la table et m'installe à nouveau à côté de lui, regrettant de ne rien avoir prit à boire... J'hésite à me lever pour me prendre un verre mais il me coupe dans mes tergiversation en me posant une question à laquelle je ne m'attendais vraiment pas. Me rappelant d'ailleurs que j'allais devoir des explications à mes amies et qu'elles ne manqueraient pas de me faire une remarque, surtout si, par malheur, elles croisent Liam. Elles veulent tellement me caser tout le temps qu'elles en deviennent pénibles et je n'ose pas imaginer les films qu'elles pourraient se faire en apprenant que j'avais passé la soirée avec lui dans mon appartement... Malgré mon choc, je tente de ne pas trop faire durer le silence et m'empresse de répondre, soudain gênée.

« Oh non c'était... C'était juste des amies. »

Dis-je, mes joues à nouveau plus rose que de raison. Serait-il possible qu'il pose vraiment la question par interêt? Non, c'est sûrement pour me faire la conversation... Il faut dire qu'il doit être gêné lui aussi, de se retrouver à moitié nu chez une parfaite inconnue. D'ailleurs il lui faudra un autre t-shirt... Je secoue à nouveau la tête, visiblement cette fois, et m'éclaircit une fois de plus la gorge avant de murmurer que je vais me prendre un verre. Difficile de résister à l'envie de prendre une bonne grande gorgée de Vodka pour me donner du courage... Mais mieux vaut rester à l'eau, surtout que je n'ai pas terminé mon travail. De retour à ses côté, je tente un sourire maladroit en remettant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Sa question à éveiller ma curiosité et ce silence est trop étrange...

« Et vous ? »

Je tentais de prendre un air détaché, peinant à le regarder dans les yeux. Il faut dire qu'ils étaient impressionnants : je n'avais jamais vu un bleu pareil ! Puis il avait cette façon de me regarder... C'était atrocement troublant, comme si... Non, je ne sais pas... Mais c'était à la fois gênant et terriblement attirant... Cet homme avait un effet étrange sur moi et c'était bien la première fois que je me sentais aussi... Non, pas mal, bien même... Bizarre. Attirée et effrayée en même temps, mourant d'envie de fuir mais aussi de rester près de lui... Ou la la, il va falloir que j'en parle à Malia avant de faire n'importe quoi !