Like father and son ?

feat. Joaquin & Edward

C'était une plaisanterie ? Une mauvaise blague ? Un coup du sort des plus ironiques ? Edward fixait ce nom inscrit sur ce dossier qu'il avait reçu. Il n'y croyait pas. Il pensait avoir oublié ce nom depuis longtemps et pourtant. Pourtant, quelque part au fond de lui, il s'en souvenait encore. Il savait qui était son prochain patient. Tout coïncidait. Cela ne pouvait être que lui. Ce truc tout à fait chiant qui pleurait sans arrêt et qui réclamait sans cesse à manger. Ce truc qu'il avait eu envie de tuer plus d'une fois, mais pour une raison obscure, il ne l'avait pas fait. Peut-être avait-il quelques scrupules au fond de lui, finalement. En même temps, tuer un bébé n'avait rien de réjouissant, rien de jouissif ni de fascinant. Alors, il avait laissé cette chose en vie. Des années plus tard, le passé le rattrapait et il regrettait presque de ne pas avoir réuni la mère et son fils ce jour-là. Parce que clairement, Edward n'avait pas d'enfant. Peu importe qui passerait bientôt la porte, ce n'était pas son fils. Vraiment ? N'était-il pas un tout petit peu curieux ? S'il était vraiment honnête envers lui-même, oui, il l'était. Surtout après avoir consulté son dossier. Un début d'idée avait même commencé à germer dans son esprit, mais tout dépendrait du déroulement de cette première séance. Oui, cette séance serait déterminante pour la suite.

Est-ce que son patient savait qui il était ? Etait-ce pour cela qu'il avait choisi de venir chez lui ? Ou n'était-ce que le fruit du hasard ? Un hasard qui devait adorer se moquer de lui, pour le coup. Il n'en savait rien pour l'instant, mais il obtiendrait certainement assez vite une réponse à cette question. L'heure du rendez-vous était bientôt arrivée. Il ne devait rien laisser paraître. Faire comme s'il ignorait qui serait bientôt assis en face de lui. Il allait le jauger, l'étudier, tenter de s'immiscer dans son esprit. Le gamin semblait avoir quelques petits soucis. A cause de l'abandon ? Parce qu'il avait été témoin du meurtre de sa mère, même si techniquement, il avait été bien trop jeune pour s'en souvenir ? Avait-il hérité ce côté d'Edward ? Non. Edward était calme. Et d'après ce qu'il lisait dans le dossier, ce... Joaquin avait des tendances violentes, des accès de colère.

L'heure du rendez-vous était arrivée. Comme à son habitude, il ouvrit la porte de son bureau et invita son patient à entrer pour y prendre place. C'était la première fois qu'il posait les yeux sur cet être humain qu'il avait engendré depuis qu'il l'avait abandonné. Il resta toutefois parfaitement stoïque, son visage ne trahissant aucune émotion, aucune expression particulière pouvant signifier qu'il savait à qui il avait affaire. Il prit place sur le siège en face du jeune homme, jeune homme qui prit aussitôt la parole sur un ton assez agressif. Sans doute n'avait-il pas envie d'être là. Sans doute y avait-il été forcé par ses parents adoptifs. Peu importe. "Bonjour, Joaquin." Il le regarda droit dans les yeux, sans ciller. "Je crois que vous vous êtes trompé d'endroit. Le cours de bonnes manières, c'est à côté." Oui, il lui lançait une pique volontairement. Edward n'aimait pas les gens qui n'avaient pas de manières, qui ne semblaient même pas connaître les plus simples règles de politesse. Un bonjour n'avait jamais tué personne. "Ici, vous êtes libre de parler de ce que vous voulez et sous la forme que vous souhaitez. Mais j'ai pour coutume de poser des questions ciblées à mes patients pour les aider, les orienter." Il gardait les yeux rivés sur ce jeune homme, tentant de déterminer quoique ce soit qui puisse lui révéler s'il était ici en toute connaissance de cause.

"Est-ce que je peux vous proposer quelque chose à boire avant que nous commencions ?" C'était toujours sa petite routine. Il proposait toujours à boire à ses patients. Souvent, ça les aidait à se sentir un peu plus à l'aise. "Je suppose que vous savez pourquoi vous êtes ici." Au fond, il se sentait quelque peu perturbé par la situation. Jamais, ô grand jamais, n'avait-il imaginé qu'une chose pareille puisse arriver un jour et pourtant...pourtant, ce gamin était là, devant lui. "Y a-t-il quelque chose en particulier dont vous aimeriez parler ? Allez-y. Vous avez le champ libre." Ça aussi, il aimait le faire au début de chaque séance. Demander à ses patients de se confier, de dire ce qui leur passait par la tête. Mais dans le cas de Joaquin, c'était d'autant plus particulier.

Like father and son ?

feat. Joaquin & Edward

Ces derniers temps, il semblait que son passé le rattrapait et il n'aimait pas particulièrement ça. Tout d'abord, il y avait eu Alexis, la seule victime ayant réussi à lui échapper. Et maintenant, ça. Cet être qu'il avait engendré et dont il n'avait jamais voulu. Pourtant, il ressentait une certaine curiosité à son égard. Après tout, ce n'était plus un bébé et normalement, il ne devrait plus crier et pleurer à tout va. Pourquoi était-il là ? Pourquoi venait-il le voir, lui ? C'était une question qu'il se devait d'élucider. N'était-ce que le fruit du hasard ou le jeune homme avait-il sciemment choisi Edward ? Il comptait bien le découvrir d'une façon ou d'une autre. Il était également curieux de savoir quel genre de personne c'était. Cela ne signifiait pas qu'il s'intéressait vraiment à lui ou qu'il envisageait un lien quelconque avec lui, autre que celui d'un psy envers son patient. Du moins... pas pour l'instant. Personne ne savait ce que l'avenir pouvait réserver. Bien entendu, lorsque Joaquin entra, Edward ne laissa rien paraître. Il était très bon à ça. Il savait parfaitement dissimuler ses émotions et faire comme si de rien n'était, comme s'il ne savait pas qui était ce nouveau patient. Peut-être pourrait-il s'amuser un peu avant de lâcher la bombe. Celle qu'il savait qui il était depuis le début. Cependant...devait-il lui dire ? Il le déciderait en cours de séance.

La première impression ne fut pas vraiment des meilleures. En effet, Joaquin semblait manquer de bonnes manières et Edward était très à cheval là-dessus. Il ne se pria donc pas pour le lui faire remarquer. Aux propos de l'autre, il haussa légèrement un sourcil. "Comment peut-on oublier la base des bonnes manières et des relations humaines ?" Comme s'il était spécialiste en relations humaines. On ne pouvait pas vraiment dire qu'il soit quelqu'un de très sociable. Il n'avait pas vraiment d'amis, pas de proches...mais pourquoi s'encombrer avec ces futilités ? Les gens, ça ne posait que des problèmes, il l'avait bien remarqué avec sa femme. Néanmoins, il ne comptait pas rester sur le sujet des manières de Joaquin éternellement. Il lui fit part de sa façon de fonctionner, puis il proposa quelque chose à boire au jeune homme. Il le faisait avec tous ses patients, cherchant ainsi à les mettre plus à l'aise, à instaurer une certaine confiance. Tout était calculé, évidemment. Et la plupart des gens semblaient surpris qu'il propose ça. Comme le brun en face de lui. "Très bien. Un instant." Il se releva et se dirigea vers son bureau pour appeler sa secrétaire et lui demander d'apporter un verre d'eau, puis il reprit place en face de Joaquin.

Il avait l'impression que le faire parler ne serait pas très difficile, vu ce qu'il lui disait déjà de lui-même. Edward l'écouta en silence, observant le moindre de ses mouvements, analysant son langage corporel, l'intonation de sa voix... Il voulait vraiment cerner le genre de personne que c'était. Dans un sens, il trouvait ça fascinant de se retrouver face à un être qu'il avait contribué à mettre au monde. De façon minime, certes, mais tout de même. Sans lui, ce jeune homme ne serait pas là à l'heure actuelle. Oui, ça faisait bizarre. "Pourquoi ne serais-tu pas sain d'esprit ? N'est-il pas normal de vouloir rendre la pareille à quelqu'un qui nous a fait du mal ? N'est-il pas normal de seulement l'imaginer ? Qui n'a jamais imaginé de tuer quelqu'un qu'il n'appréciait pas ou qui l'agaçait ?" Etait-ce vraiment ce qu'un psy devrait dire à ses patients ? Certainement pas. Mais ce patient n'était pas n'importe qui. Il le dévisagea avant de reprendre la parole. "Je peux te tutoyer ? Ça ne te dérange pas ?" Généralement, il ne tutoyait aucun de ses patients, mais le cas de Joaquin était particulier. Et ça pourrait aussi aider à le mettre davantage en confiance et à l'aise.

Entretemps, la secrétaire était arrivée pour donner son verre d'eau à Joaquin avant de repartir.
La suite devint bien plus intéressante encore. Il ressentait un vide ? Cela semblait étrangement familier à Edward. Lui-même était parfois en proie à ce vide quand il n'avait pas trouvé de victime depuis un moment, quand il n'avait pas vu son sang couler, quand il ne l'avait pas entendue crier et le supplier d'arrêter, quand il n'avait tout simplement pas tué depuis un moment. Joaquin aurait-il hérité quelque chose du genre ? Etait-ce seulement possible ? Peu importe. Il venait de trouver une belle faille à exploiter. "Hum. D'après ton dossier, tu as été adopté, non ? C'est un phénomène récurrent chez les personnes qui, comme toi, ont été adoptées très jeunes et n'ont pas connu leurs véritables parents. Est-ce quelque chose à laquelle tu penses souvent ?" Il n'y allait pas par quatre chemins, allant dans le vif du sujet. Il avait vraiment très envie de faire tomber le masque, de lui dire qu'il savait. Il chercha le regard du jeune homme et plongea ses prunelles dans les siennes. "Est-ce que c'est pour ça que tu es ici ? Pour savoir d'où tu viens ?" Si Joaquin n'était pas idiot, et il n'avait pas l'air de l'être, il ferait le lien. Il saisirait le sous-entendu. Sinon...eh bien, Edward continuerait comme si de rien n'était encore un peu.

Like father and son ?

feat. Joaquin & Edward

Edward n’avait jamais imaginé retrouver ce fils qu’il n’avait jamais voulu connaître, cet enfant qu’il avait abandonné après avoir tué sa mère. Il n’avait jamais éprouvé la moindre affection pour ce truc qui ne faisait que pleurer à longueur de temps, jamais. Pourtant, quelque chose l’avait empêché de le tuer, ce soir-là. Et voilà le résultat. Des années plus tard, ce fils l’avait retrouvé et il était à présent assis en face de lui, dans son bureau. Comment diable l’avait-il retrouvé ? Le psychologue comptait bien en obtenir la réponse car oui, ça l’intéressait. Et plus il observait ce jeune homme, plus il l’écoutait et plus il sentait un certain intérêt grandir en lui. Il y avait quelque chose chez lui, quelque chose qui faisait dire à Edward qu’il avait peut-être pris la bonne décision en le laissant en vie. Il le regardait et l’écoutait et par moments, il avait presque l’impression de se voir à son âge. Il était évident que Joaquin avait des problèmes psychologiques, il n’était pas en consultation pour rien et son dossier indiquait des comportements violents. Joaquin lui-même l’avait admis. Bien entendu, c’était le métier d’Edward de l’aider à comprendre tout ça, de l’aider à aller mieux…mais voilà. Il n’avait pas un patient ordinaire en face de lui, c’était même tout le contraire.

Tourner autour du pot pouvait être amusant, faire semblant de ne se douter de rien, de ne pas savoir. Mais au bout d’un moment, ça finissait par perdre son intérêt. Pour l’heure, il écouta Joaquin parler de sa mère biologique, celle qu’il n’avait jamais connue. Les paroles du jeune homme auraient pu faire froid dans le dos de n’importe qui, mais Edward n’était pas n’importe qui. « Tu as parfaitement raison, Joaquin. Tu n’as pas eu le temps de connaître ta mère, tu n’as donc pas eu le temps de t’attacher à elle et de développer un lien émotionnel et affectif avec elle. Tu n’es pas sans cœur. Tu ne l’as simplement pas connue. Et ta mère adoptive a rapidement pris le rôle que ta mère biologique aurait dû avoir. » Il esquissa un petit sourire un peu énigmatique, ne quittant pas le jeune homme du regard. « Est-ce que tu veux en savoir plus sur elle ? Tu es ici pour trouver des réponses, non ? » La situation l’amusait vraiment beaucoup. Et si Joaquin voulait la vérité, il l’aurait. Enfin… la vérité selon Edward. Il était évident qu’il n’allait pas dire à sa progéniture qu’il avait tué cette femme.
Bien sûr qu’il voulait savoir d’où il venait. La question était tout à fait légitime. Le psychologue n’ajouta rien et soutint le regard de Joaquin tandis que ce dernier lui avouait finalement savoir qui il était. Certes, il ne l’avait toujours pas dit de façon vraiment explicite, mais il faudrait être idiot pour ne pas comprendre.

Edward resta parfaitement calme, même si intérieurement, il commençait à se sentir un peu irrité. Ce jeu ne l’amusait plus tellement, finalement. « J’ai su qui tu étais dès que j’ai vu ton dossier. Alors, arrêtons ce petit jeu, d’accord ? Comment tu m’as retrouvé ? » Peut-être qu’Edward avait commis une erreur en gardant son nom, il aurait tout aussi bien pu changer d’identité. Néanmoins, même en gardant son nom, trouver des informations à son compte n’avait pas dû être facile. En réalité, il était assez impressionné. Ce petit gars avait du potentiel, il le savait. Il regardait toujours Joaquin droit dans les yeux, ne manifestant aucune émotion. « Je sais que tu as des questions à me poser. Alors je t’écoute. » Cela signifiait aussi que la session était terminée. Tout ce qui se dirait à partir de ce moment n’aurait aucun lien avec une quelconque séance, mais ça, personne ne le saurait.