De retour, enfin. Tu étais là, sur le ring, dressée face à cet homme, les poings fermés et le regard brûlant. Enfin, tu étais revenu, Damaris.
Tu avais pris du temps, trois bons mois en réalité, depuis cette fameuse nuit. Parce que ça t’as totalement détruite, et tu es tombé plus bas que terre en enchaînant cette retrouvaille avec Rafe. C’était trop pour toi, car au fond, tu as un cœur fragile. On te surestime, souvent, parce que tu as des muscles, tu fais ces sports à hautes sensations et tu n’as pas froid aux yeux, mais on a tendance à oublier qu’au fond, tu n’es qu’un petit bout de femme. Et pendant ces trois mois, tu n’as été qu’un pauvre oisillon tombé du nid, loin de tous ses repères, blessé et perdu. A rester cloîtrée dans tes quatre murs, broyer du noir, réfléchir, pleurer et te relever doucement. Ca a été dur, ça a été long, mais tu as su te relever. Surtout ces derniers temps, surtout depuis cette autre nuit particulière, aux côtés de Skye. Ca t’a fait réaliser que tu étais prête à remettre le pied à l’étrier, que ton cœur fragile avait su remettre son armure, et c’était reparti. Tout doucement, tu es retourné à la salle de sport, cette fameuse coach prénommée Earlyne t’aidant également à retrouver ta hargne au combat. Tu t’es remise à combattre, ressortant vite les poings face à des gros gabarits comme avant. Tu retrouvais cette addiction au combat, au challenge. Tu reprenais le parkour, la course à pied, et le boulot. Damaris revenait, et tu étais maintenant un vrai boulet de canon qui gravissait cette pente à grande vitesse.

Ce soir, c’était le grand soir. Ton premier combat illégal depuis tout ce temps. Tu as été excitée comme une mouche toute la journée, tu l’as attendu avec impatience. Ce soir, tu étais là, face à cet homme, le sourire aux lèvres. Et le combat, il a été long. Tu as perdu de tes muscles, de ton agilité avec le temps, et un peu d’habitudes aussi. Ca a été long, bien plus que d’habitude. Parce qu’il avait beau te donner des coups douloureux à en faire couler ton sang, tu te relevais, et tu continuais. Tu le lâchais pas, tu le faisais tourner en rond, encore et encore et encore. Trois quarts d’heure à te battre, trois quarts d’heure de pure adrénaline et plaisir. Et le public ne se lassait pas, se demandait si le petit oiseau face à cette armoire à glace allait finalement réussir à le terrasser. Tu hurlais, tu frappais, lui aussi. Et finalement, boum. Un coup dans la jambe qui le faisait perdre équilibre, le coup de grâce, en pleine mâchoire, et il s’écroulait, fatigué et assommé. Tu étais tellement fière, tellement heureuse. Tu ne voyais même plus Cass derrière ces coups, plus de flashback douloureux, plus de peur. Ca y est, ce n’était que toi et le ring. Et même si tu avais mal, même si tu étais bien amochée, c’était ça le combat, et c’était de la bonne douleur. Comme un tatouage qui avait bien saigné : c’était une fierté au final.

Ton paquet de billets empoché, tu enfilais tout dans ton sac à dos et tu sortais du sous-sol. Bien évidemment, il n’y avait pas de douche dans un tel endroit. Tu enfilais ton sweat à capuche noir, tu le gardais ouvert, dévoilant ta brassière de sport noire et ton ventre marqué de léger abdos, et de bleus. Tu avais perdu tes abdos bien tracés avec le temps, mais ils revenaient tout doucement, et tu comptais bien les récupérer, même si un ventre plat et légèrement marqué te donnait également un certain charme. Tes cheveux attachés, ton jogging un peu sali par le ring et sa poussière, même si tu étais loin de l’allure d’une fille sexy et propre, tu allais tout de même faire un tour au bar avant de rentrer, histoire de fêter ton premier combat. Tu allais t’asseoir au bar le sourire aux lèvres, commandant une pinte de bière fruitée. Le barman, te connaissant, te donnait également quelques glaçons en plus dans un verre vide pour les passer sur ton arcade ouverte et ce beau bleu sur la tempe droite. Ah, ça te faisais tellement de bien de revenir ici. Et plus tu regardais autour de toi, plus tu pensais à Aurora. Elle faisait partie de ce club, et tu ne l’avais toujours pas aperçue. Peut-être était-elle en repos ? Tu te disais que tu aurais bien aimé qu’elle te voie combattre. Ca t’aurait fait plaisir de la voir ce soir. Au fond, elle t’avait manqué…

Ce soir était un bon soir. Les soirs de combats étaient toujours des bon soirs. Ces âmes déchus affluant le club dans l’espoir d’élever une érection à voir du sang couler, des filles s’effeuiller. Jouissant de la déchéance, participant à leur propre décadence. A flot coulait l’alcool et les billets sous la ficelles de son string s’amassaient. C’est le cul rose et les joues rouges qu’elle s’extirpait finalement de cette petite salle où avait lieu les danses privées. Sur son visage, elle ne laissait paraitre ses émotions, sa rage ou cette détresse qu’elle avait ressenti à sentir cet homme contre sa volonté la toucher. Le contact était normalement interdit et elle avait eu beau dire, l’état d’ébriété du cinquantenaire l’avait contrait à faire la sourde oreille. Elle pouvait encore sentir la fétidité de son haleine sur sa peau laiteuse et des bleues naissaient là, où sur ses bras, par la force, il avait tenté de la clouer sur place. Rien de grave, rien de bien méchant. Après six longues années à se dandiner dans cet endroit, Aurora avait acquis l’expérience nécessaire pour se sortir de ce genre de mauvais pas. Les clients qui dépassaient les bornes n’étaient malheureusement pas si rare et si elle ne craignait pas de perdre son emploi maintenant que Simon était le gérant du strip club, elle n’envisageait pas de faire de cette petite altercation, un scandale. Les soirs de combats signifiaient également que son jeune frère n’était pas bien loin et elle connaissant suffisamment son tempérament pour savoir qu’en sortait de cette pièce aussi discrètement, elle venait d’éviter à cet homme, un petit séjour à l’hôpital. La belle blonde fit un détour par les vestiaires pour déposer la petite liasse de billet qu’elle avait réussi à réquisitionné avant de s’échapper des bras de ce vieux pervers. S’il avait échappé à son châtiment hospitalier, la stripteaseuse comptait tout de même lui faire payer la monnaie de sa pièce. Et elle jugeait que ce n’était pas tant chers payé pour les ecchymoses qu’elle allait devoir arborer les quelques jours qui allaient suivre. Elle refermait ses courbes autour d’un fin kimono en satin rose. Il n’était encore pour elle, pas encore l’heure de rentrer mais elle n’avait plus de scène ce soir et elle n’était pas non plus d’humeur pour une autre séance privée. Elle avait besoin d’un verre, peut-être plusieurs. Une cigarette entre les lèvres, elle fendait son passage vers le bar. « Tu me sers un verre, s’il te plait ? », le barman lui tendit un briquet alors qu’elle se hissait sur un des hauts tabourets qui cernait le comptoir. La flamme du briquet venait lécher le bout de sa clope, la laissant finalement remplir ses poumons du poison que seul ce tube cylindrique savait lui offrir. « Quelque chose de fort, je présume. », expirant la volute de fumée, ses lèvres s’étaient fendus en un large sourire. « Dans le mile. », elle répondait en poussant le briquet vers son côté du comptoir. Le brun posa une large pinte de bière un peu plus loin, une bière fruitée. Aurora ne connaissait pas beaucoup de monde qui buvait ce genre de douceur par ici. Elle en avait connu une. Une femme que voilà, elle n’avait plus revue depuis près d’une année entière. Une femme dont la douceur et la chaleur arrivaient encore à la faire rougir la nuit. Aurora doucement releva le regard, juste par curiosité. Parce qu’il y avait bien des mois qu’elle n’avait plus entrevue la jolie brune descendre au combat. Trois mois. Non, elle n’avait pas compté, ça faisait bien trop désespéré. Elle préférait croire que les choses étaient mieux ainsi,  que de cette manière, elle évitait quelques soucis. Mais sa raison ne faisait plus sens quand sous ses yeux, se dessinait la jolie brune. Elle ne pensa pas à ce dont elle pouvait bien avoir l’air quand elle bondit de son perchoir manquant au passage de perdre son équilibre sur ses talons aiguilles pour s’approcher de cette fille qui faisait retentir dans sa tête, l’alarme danger. « Damy. », de si près, les hématomes qui couvrait sa peau ne lui échappait pas. Le sang qui filait sur son si joli visage non plus. Coinçant sa clope entre ses lèvres, elle retirant son kimono pour en récolter les quelques glaçon qui, sur le comptoir, commençaient déjà à fondre. Doucement, elle leva la main, appliquant le fin tissu givré contre son arcade sourcilière.  « Toujours à te faire du mal pour rien. », dans sa main libre, elle vient coincer sa clope entre son index et son majeure, expirant doucement la fumée de sa bouffée. « Défigurer un si joli visage devrait être interdit. », tendrement, elle lui sourit. « Ca commençait à faire long. », d’attendre secrètement qu’un jour, leurs chemins se recroisent.

Tu ne pensais pas rester un long moment. Boire ta bière, le temps de souffler un peu, puis rentrer chez toi, prendre une longue douche, t’occuper de tes blessures et te jeter dans ton lit. Voilà ton programme de la nuit, même si certes, tu aurais bien aimé avoir ta compagnie habituelle de ce club. Ca faisait bien longtemps que tu ne l’avais pas vu, Aurora. Elle t’a manqué, même si tu n’as pas forcément pensé à elle durant ton saut dans le gouffre. Parce que Aliséa a été là, elle a eu le temps d’occuper ton cœur, même si ce n’était jamais vraiment facile avec elle, toi qui devais tant retenir tes sentiments, ne pas être trop tactile, ne pas être trop jalouse. C’était un peu compliqué dans ton cœur. Aliséa, tu l’aimais. Tu l’as longtemps refoulé et fait de ton mieux pour te retenir, tu as eu des crushs pour qui tu as juste eu de l’attirance et de l’attachement, parce que tu as toujours réussi à te retenir d’aimer après Brook. Mais Aliséa, tu n’as rien contrôlé, c’était comme ça. Ce côté doux, petit chaton, fragile, adorable, ça t’as fait craquer. Mais c’était de la friendzone, totalement platonique et à sens unique, alors tu faisais de ton mieux pour oublier, passer à autre chose. Donc oui, même si tu aimais Aliséa, ça ne t’as pas empêché de voir Aurora avant tout ça. Car elle aussi, elle te plaisait, il y avait cette force entre vous, ce magnétisme particulier, et tu ne voulais pas rester coincée avec une friendzone, si tu pouvais avoir le bonheur ailleurs. Tu étais comme ça, c’était une bonne chose, au fond. Ne pas rester coincée, avancer. C’est ce que tu fais depuis toujours après tout, avancer.

Alors oui, tu as eu l’espoir de la voir ce soir. Tu buvais tranquillement ta bière, tu t’étirais un peu et passais les glaçons sur tes plaies, histoire de gagner du temps, si jamais tu devais la croiser. Hé bien, tu t’étais réellement attachée, même si tu n’oseras jamais lui dire en face. Parce que tu savais bien qu’avec Aurora, c’était compliqué aussi. Mais bon, si tu voulais la revoir, c’est que tu le voulais bien. Les défis, de toute façon, il était bien connu que tu adorais ça. Et puis finalement, à croire qu’on t’avait entendu, après quelques minutes face au bar, elle apparaissait, comme par magie. Ton estomac s’est tendu l’espace d’un instant, le temps que l’information te monte au cerveau, lorsque son visage était face au tien, toujours aussi beau. Tu souriais, avec douceur, lorsqu’elle te surnommait Damy. C’était bien rare qu’on te surnommait comme ça. « Salut toi..! » Tu la laissais s’installer à côté de toi, gardant ce petit sourire aux lèvres. Ca te faisait réellement plaisir de la voir. Tu la regardais faire, silencieuse. Ce kimono lui allait bien. Tout lui allait bien, en fait. En y repensant, en voyant ses talons aiguilles et sa tenue sous le grand vêtement, ça te faisait toujours un pincement au cœur quand tu te souvenais de son métier. Mais bon, tu ne lui as jamais reproché, tu ne fais pas partie de ces personnes à lui faire la morale sans arrêt, juger, faire la jalouse ou quoi que ce soit. C’était son choix, sa vie. Tu ne promettais juste pas d’être de sang-froid face à ceux qui oserait en faire trop, la toucher et lui faire du mal. Parce que au fond, tu es un peu protectrice. Finalement, tu rompais vite ce silence, inspirant un sifflement de douleur lorsqu’elle posait le doux tissu glacé sur ton arcade. Mais tu la laissais faire, lâchant ensuite un petit rire amusé à ses paroles. « Toujours. » Tu sentais l’odeur de sa cigarette, mais tu n’en disais rien. L’odeur ne te dérangeait pas, toi qui étais une ancienne fumeuse. L’envie, d’ailleurs, ne te revenait pas non plus. Vu l’impact que ça a eu sur tes poumons, non, tu ne comptais pas à nouveau pourrir tes poumons sûrement bien roses aujourd’hui. Et ses paroles te faisaient sourire un peu plus. Décidément, elle avait ce don pour te plaire. « Tu verrais la tête de l’autre. T’en fait pas, il a payé l’amende. » Tu tapotais ton sac à dos pour lui faire comprendre que la liasse, c’était toi qui l’avais emportée. Comme toujours. Et de toute façon, c’était loin d’être la première ni la dernière fois que ton arcade se brisait ou que ton visage se marquait. Ca faisait partie du boulot.

Tu pris une gorgée de ta boisson, histoire de respirer discrètement, lorsqu’elle te disait que ça faisait longtemps. Merde, elle te faisait toujours cet effet qui te rendait nerveuse et contente pour un rien. « C’est vrai… » Tu te grattais la nuque. « Désolée. Mauvaise passe… » Tu vainquais un peu de ta timidité pour passer arranger cette petite mèche de cheveux blonde sauvage pour la ranger derrière son oreille, tu passais doucement, l’espace d’un instant, le dos de ton pouce sur sa joue, que tu lui caressais. « Ca fait plaisir en tout cas, de te retrouver. » Puis tu laissais retomber ta main sur le bar, prenais une autre gorgée de ta bière tout en la regardant en souriant. Mais le temps de la gorgée, tu voyais son corps désormais un peu plus dévoilé sans le kimono. Tu voyais les bleus, bien marqués, et toi qui t’y connaissais en blessures, tu remarquais bien qu’ils étaient récents. Alors tu reposais ton verre, fronçant les sourcils puis la regardant dans les yeux : « Tu vas bien ? » C’était plus de l’inquiétude que de la curiosité, bien sûr. Et tu faisais également passer cette question comme une simple politesse ne voulant pas directement parler de ses marques. Car tu ne comptais pas insister à ce sujet, tu savais que son frère était là, qu’elle pouvait compter sur lui à la moindre altercation et problème avec un client, tu n’avais pas trop peur. Mais tu demandais au cas où, parce que tu es comme ça. Tu tenais bien trop à elle pour rester indifférente à cela.