C’est comme une recette de cuisine. Suffit de choisir les bons ingrédients, de les mettre ensemble au bon moment, de remuer le couteau et d’être sûr, parfaitement sûr, d’utiliser un ton convaincant. Y a qu’à le regarder dans les yeux, lui sourire implicitement pour qu’il sache que toi, tu es dans ton élément, dans ta forêt préférée avec un fusil de chasse à la main, et qu’à ton signal on lâchera les chiens. Il faut qu’il sache que tu sais ce que tu fais, et que tu arriveras à tes fins, comme toujours. Suffit de poser les bonnes questions, de brandir les maigres preuves et faire croire qu’elles sont accablantes. Suffit de jouer des mots à défaut des coudes, suffit qu’il ouvre la bouche et te balance tout.
Mais ça ne se passe jamais comme ça, tu le sais bien. Jusque là, il a refusé de répondre à toutes tes questions, usant à outrance de son droit de garder le silence. Il t’a fixé à son tour, pour bien te montrer qu’il s’en foutait pas mal que ce soit toi ou un autre qui vienne lui parler ; il doit avoir deviné que ça t’exaspère profondément.
Mais la salle d’interrogatoire, c’est presque ton lieu préféré. T’es pratiquement devenu un expert dans l’art de tellement parler que ça finissait par leur délier la langue — oh ils ne te disent pas grand-chose d’intéressant, la plupart du temps, mais tu parviens à entendre le son de leur voix, et c’est déjà une sacrée victoire, en soit. Ne reste plus qu’à les cuisiner, gentiment et longuement, comme lorsque ta mère préparait ces repas du dimanche et que vous finissiez par manger à quinze heures tellement ils mijotaient longtemps. Ça n’a pas d’importance, ici, que tu aies ce que tu veux à midi ou à dix-huit heures. Tu sais être patient.

La porte s’ouvre en trombe, et t’as à peine le temps de te redresser quand tu entends la voix plus que familière de Tara résonner dans la petite pièce carrée. Tara ? Maintenant ?! La bouche ouverte comme un imbécile, tu finis par lâcher un son qui ne reflète pas vraiment ta prétendue éloquence. « Quoi ? » Mais non, oh que non, tu ne vas pas la laisser tout gâcher. Elle commence déjà à s’installer et à faire comme chez elle, mais tu ne peux pas, juste pas la laisser ruiner tes efforts. « Tara, il faut que je te parle. » T’aimes bien, prononcer son nom les dents serrées, ça te donne l’impression de rouler une bille entre ta langue et ton palais. Tu l’attrapes sans attendre de réponse par le bras, avant de l’entraîner dans le couloir, claquant soigneusement la porte derrière toi. « À quoi tu joues, putain ?! » Oh, tu sais parfaitement ce qu’elle va te répondre. Très professionnelle, avec un petit air de défi qu’elle arbore sans même s’en rendre compte, tu en es sûr, elle va te répliquer qu’elle ne joue pas, qu’elle travaille. Bien sûr. C’est bien beau le travail, c’est bien beau de te le brandir à la figure comme un bouclier lorsque tu commences à voir rouge, mais il y a peut-être une raison à ça ? Oui, tu détestes lorsqu’elle te marche sur les pieds. Tu détestes lorsqu’elle envahit ton terrain. Parce que t’es quasiment chez toi, ici, au commissariat, en salle d’interrogatoire qui plus et face à un autre de ces abrutis que vous essayez de coffrer depuis toujours, semble-t-il. Y a toujours une bonne excuse pour qu’ils s’en sortent, et tu le vis assez mal, quand c’est Tara, la bonne excuse.  

 

Tara, Tara a cette manière bien à elle de rentrer dans le tas en ayant l’air de rien ; comme si c’était naturel, comme si tu étais le fautif dans l’histoire. Oh, ce n’est pas vraiment une question de à qui est la faute, mais plus, qui est-ce que ça avantage ? Tu sais que ce type s’en sortira sans peine, parce qu’elle sait ce qu’elle fait et elle est douée pour ça. Et ça t’agace, ça t’agace à un point tel qu’elle ne peut sans doute l’imaginer — sûrement parce qu’elle est ta sœur, au final.
Maintenant tu la regardes droit dans les yeux, t’as haussé le ton tout en chuchotant, c’est assez spécial, mais elle sait très bien pourquoi tu vois rouge. Elle te marche sur les pieds, et tu as horreur de ça.
Il y aurait des millards de façon de le lui faire comprendre, mais ça ne changerait rien au problème, finalement, parce que le problème, c’est qu’elle est ta sœur. Sans ce fichu lien de parenté tu n’aurais eu aucun scrupule à tenter de ruiner tous ces efforts, mais là, même si tu aimerais y arriver, tu sais que tu en es incapable.

Alors tu parles plus fort. Moyen ridiculement commun d’évacuer la colère, on dit que ça soulage l’esprit et le cœur, mais tu te sens encore plus idiot après. Elle a raison. Elle ne choisit pas ses clients, et si certains sont réguliers, c’est tant mieux pour elle. Mais ça fait bien trop de fois pour que tu croies encore au hasard, maintenant. « Oh quelle fâcheuse coïncidence, tu ne crois pas ? » C’est stupide mais ça t’énerve à un tel point ! Si c’était la première fois, tu aurais pu prendre ton mal en patience, serrer les dents comme tu sais si bien le faire, croiser les bras et la fusiller du regard. Ç’aurait été simple. Ç’aurait été fichtrement simple. Mais bon sang, c’est la combien, déjà ? Trois, quatre fois ? Beaucoup trop, en tout cas, et tu commences à croire que ça lui fait plaisir, finalement. « La vérité c’est que je pense que ça te plaît, de jouer l’avocat du diable. » Voilà c’est dit. C’est mal dit, mais c’est fait. Tu serais juste curieux de savoir si elle sera assez honnête pour l’admettre. « Franchement, qu’est-ce que ça t’apporte, de défendre ces petits merdeux ? Ça te rend fière, t’aider ces gars à pourrir le peu de ce qu’il y a encore à sauver ici ? » Chicago est moisie, à cause de ces gangs qui sévissent comme si la ville leur appartenait. Chicago est moisie à cause des gens qui persistent à fermer les yeux. « Quand est-ce que tu vas réaliser que ça ne rend service à personne, ce que tu fais ? » 

 

Les mots se répètent sans cesse, parce que le courant ne semble pas vraiment passer entre vous, lorsqu’il s’agit de ce sujet. C’est sensible, certes, et tu sais parfaitement que ça vous tient à cœur à tous les deux, ce que vous faites. Mais vos convictions semblent si contraires que tu te demandes si vous avez vraiment partagé la même éducation, parfois. Merde, qu’est-ce qu’il s’est passé pour qu’elle en arrive à dire ça ? Oh bien sûr, comparer les Hunter Bloods au diable était purement métaphorique et exagéré, parce que tu n’es pas idiot au point de croire qu’il représente le mal incarné. Mais la manière dont elle parle d’eux te donne la nette impression qu’elle n’arrive pas à se rendre compte du mal qu’ils font. « C’est une expression, Tara. Je ne suis pas en train de dire que tu sers le mal incarné, n’abusons pas. » Tes dents sont toujours aussi serrées, et tu avales lentement ta salive avant d’essayer de reprendre une contenance. « Ce que je pense de toi, excellente question. Je pense que tu vaux mieux que ces cons-là. » Qu’elle mérite d’autres clients que les Hunter Bloods, qu’elle mérite des affaires qui lui donneraient une bonne réputation, chez des gens respectables, pas seulement dans les bas-fonds et parmi les petits voyous. Peut-elle réellement se satisfaire de si peu ? Tu as du mal à croire que son ambition est suffisamment flattée avec des affaires pareilles…

Forcément le ton se hausse, et vous vous prenez encore la tête sur les mêmes choses, comme à chaque fois. Ça te désespère parce que, peu importe ce que vous direz rien n’y changera. Elle a raison, dans le fond, tu aurais dû le deviner, lorsqu’elle a commencé ses études de droit pendant que tu étais à l’académie de police, tu aurais dû deviner que vous en finirez là. Mais, bon innocent, tu t’étais que ça n’était pas grave, parce que vous réussiriez à passer outre, coûte que coûte. Parce que les liens du sang, n’est-ce pas plus important qu’une simple confrontation professionnelle ? Tu te l’es toujours répété, et même à chaque fois où les mots commençaient à devenir un peu plus froids, dans ce même couloir, après une même entrée de Tara dans la salle d’interrogatoire. Toujours pareil. Et est-ce que vous passez vraiment outre à chaque fois ? Il n’y a pas vraiment de rancœur, juste le goût indélicat et amer de la lassitude, et ce sentiment assez bizarre que quelque chose ne va pas. Que ça se devrait pas se passer comme ça. Parce qu’il y a un moment où chacune de vos altercations se seront trop accumulées et alors tout sortira brusquement ; et honnêtement ? Tu n’as pas hâte d’être à ce jour, car ça ne risque pas d’être glorieux.

Mais quand bien même tu essaies de retarder l’instant, tu ne peux pas rester de marbre face à tout ce qu’elle te déballe ; le pire c’est qu’elle a l’air de le penser. Alors comme ça tu t’acharnes sur eux pour rien, elle oublie sans doute que ce sont toutes les forces de l’ordre qui s’acharnent sur eux, et il y a forcément un bon motif derrière ça. Ses propos ne sonnent pas justes, et ça t’agace au plus haut point. « Non mais, est-ce que tu t’entends parler ? Ils font leurs trucs entre eux ? Wouah, on apprécie la technique de l’autruche, c’est beau. » Évidemment qu’elle ne doit pas trop se prendre la tête avec ça, si elle veut bien faire son métier. Mais lorsque ça devrait être tout à son honneur, y a un vilain air de naïveté qui te reste sur la langue. « Si tu fermes les yeux comme ça sur leurs actions, c’est comme si tu étais complice, Tara. Et je ne parle même pas du fait de les défendre, parce que ça, j’ai compris que c’était “juste ton boulot”, même si j’ai la nette impression que ça t’importe peu, au final, que ce soit eux que tu défendes ou d’autres. » C’est hilarant, et à la fois désolant.
Il vaudrait mieux clore ici, non ? Arrêter les massacres, elle va retourner s’asseoir à côté de son client, pendant que tu te placeras de l’autre côté de la table, les poings serrés jusqu’à ce que tu en aies trop marre de jouer. À quoi bon discuter, puisque vous ne vous comprenez vraisemblablement pas ? C’est comme parler à un mur, ou bien à un parfait étranger. « Très bien. Va donc faire ton honorable travail, et je m’en irai faire le mien. Mais tu sais aussi bien que moi que ça ne pourra plus durer longtemps, tout ça. » Tout ça. Vos confrontations qui deviennent beaucoup trop régulières ; bon sang, bientôt tu devras les noter dans ton planning. 

 

Ça te prenait la tête, cette histoire avec Tara. Ça allait beaucoup trop loin pour ce que c’était ; une querelle professionnelle, et fallait surtout pas que ça devienne personnel. Ça vous boufferait sinon, et même si tu as ta fierté, tu ne supporterais pas de perdre Tara pour une histoire aussi stupide que celle-là.
Mais enfin, même si tu es prêt à faire des concessions pour elle, il ne faut pas non plus pousser — tu as ton métier, toi aussi, et en ce moment, ce ne doit pas être Rafe en face d’elle, mais bien le flic. Ce n’est pas facile, tu mentirais en prétendant le contraire, mais allons, vous êtes au commissariat, derrière cette foutue porte est assis un Hunter Bloods, en face de toi son avocate. C’est tout ce que tu as à retenir.
Tu auras beau soupirer en entendant ses paroles, rien de plus ne franchira tes lèvres. Ça t’épuise cette conversation stérile, car vous continuez de l’avoir perpétuellement, et si seulement quelque chose changeait, de temps en temps ; mais non, jamais. Les mêmes mots, les mêmes regrets, tu penses mélancoliquement à vos pauvres parents qui seraient désolés d’assister à un tel spectacle. Allons, vous qui avez toujours été aussi proches, est-ce possible que l’intérêt professionnel ait finalement raison de votre proximité ? C’est foutrement triste, mais si ça doit se passer ainsi, tu ne sais pas bien ce que tu pourras y changer. Tu aurais beau aimer Tara de tout ton cœur, elle ne fait pas beaucoup d’efforts de son côté ; il faut vous résigner : tant que vous êtes dans ce commissariat, il faut vous regarder comme des adversaires, chacun d’un côté du filet, avec un nombre défini de coups à porter.
Heureusement, elle déteste autant que toi vous séparer après une dispute, et te propose finalement que vous mangiez tous les deux, une fois cette fâcheuse histoire close. Ta dignité crie de refuser, parce que tu sais qu’elle aura le dernier mot, au final, mais c’est plutôt le grand frère qui hoche la tête à sa proposition, avec un léger sourire affligé. « Ça me va. » Tu n’aurais pas eu le cœur à décliner, de toute façon, ni même une excuse valable.


Elle est là, comme promis, devant la porte que tu franchis avec un maigre sourire. C’est fou, parce que t’as l’impression que votre altercation n’a jamais eu lieu, et que vous ne vous êtes pas vus de la journée, quand bien même vous avez passé une bonne partie de l’après-midi ensemble. C’est peut-être l’un des rares avantages à vos métiers, finalement, vous pouvez vous croiser par le plus grand des hasards, et c’est une surprise à chaque fois. « Où est-ce que tu veux aller ? » Tu n’as pas vraiment d’idée, et puis tu n’y as pas trop réfléchi non plus, à vrai dire. Autant qu’elle se fasse plaisir. Sans attendre sa réponse, tu te mets en marche, tes pensées vagabondant malgré toi vers les évènements passés. « À propos de tout à l’heure, Tara... » Voilà, tu n’as pas pu le retenir ; il te semble que c’est quand même important que vous en parliez calmement, maintenant, une fois que les nerfs sont calmés, et qu’il n’y a plus d’oreilles indiscrètes pour écouter. « Je voudrais te dire que c’était la dernière fois que ça arrivait, mais ce serait mentir. »  Alors pourquoi tu le dis ? « J’aimerais juste te comprendre, en fait. » 

 

Laisser tes narines respirer autre chose que l'odeur de renfermée de la salle d'interrogatoire est un immense bonheur. Comme prévu, Tara t'attends juste là, un peu en retrait, avec un air qui veut dire que rien ne s'est passé, qu'on oublie, et qu'on redevient, là, juste pour la soirée, simplement les frère et sœur qu'on a toujours été. Tu en serais ravi, en fait, parce que tu n'aimes pas plus te disputer avec elle que de devoir relâcher un Hunter Blood ; mais, comment dire, il faut savoir se rendre à l'évidence quand elle devient si claire : vous n'en êtes qu'au début. Évidemment, que ça ne fera que s'empirer avec le temps, parce que plus les rixes s'additionnent et plus la brutalité des mots est grande. Et ça ne s'arrêtera pas parce que vous êtes tous les deux professionnels et attachés à certains principes qui vous sont propres. Problème étant que vous ne partagiez vraisemblablement pas les mêmes. « Va pour le resto italien, alors. » Tu ne rien de plus, et vous vous mettez doucement en marche.

La nuit tombe doucement, comme si elle n'osait pas être trop noire, trop rapide, comme si elle souhaitait préserver le peu qu'il reste de jour. Il y a un petit silence, un peu pesant, que tu viens craqueler en reparlant de ce qu'il s'est passé. Tu n'aurais sûrement pas dû, parce que Tara a raison, il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus, tout est déjà sorti tout à l'heure. Mais maintenant que vos nerfs sont calmés et que le temps a apaisé ta colère, peut-être parviendras-tu à lui tirer les vers du nez ? C'est une partie de ton boulot, après tout, tirer les vers du nez de ceux qui résistent trop, et même si tu répugnes à appliquer ce principe à ta sœur, il faut bien croire que ça va être nécessaire, au moins pour un sujet aussi sensible que celui-ci.
C'est dégueulasse.
« Je sais. Je sais qu'il n'y a rien à expliquer. » Et pourtant, tu cherches toujours aussi ardemment les réponses, parce que rien ne te semble clair là-dedans ; trop de points obscurs et d'autres qu'elle esquivent suffisamment vite pour attirer ton attention dessus. C'est évident : Tara te cache quelque chose. Mais peux-tu bien lui en vouloir ? Il y a des dizaines de choses que tu ne lui dis pas, toi non plus, et ça s'appelle la vie privée et le concept est très bien - sauf dans ce cas. Déformation professionnelle ou simple défaut, tu as besoin de savoir ce qu'on te cache, on ne sait jamais, ça pourrait être grave, et tu devrais être mis au courant ! Ou alors, peut-être que ça ne te regarde tout simplement pas, mais c'est un peu plus dur à entendre. « J'ai juste l'impression que... que ça va plus loin que de la conscience professionnelle, cette histoire. » C'est dit, mais par sûr que ça lui plaise. Mais enfin, serait-ce le bon moyen de savoir si tu as touché une corde sensible ? « Ne te méprends pas, hum, je sais très bien que tu es une brillante avocate, et tu dois très certainement prendre toutes tes affaires avec la même persévérance. Seulement... Seulement, on a été éduqués de la même manière et... que tu défendes avec un tel acharnement un simple gang... J'avoue que ça me dépasse. »
 

 

Le restaurant est plutôt calme, et ça te convient bien dans le sens où tu n’avais pas spécialement envie de te taper des inconnus pour écouter votre discussion toute la soirée. Ce n’est pas que tu es d’humeur à râler — pas plus que d’habitude, en fait ; tu es juste extrêmement las de cette situation entre Tara et toi. Merde c’est ta sœur, vous devriez pouvoir vous dire n’importe quoi sans que ça ne devienne un champ de bataille, et rien, rien ne devrait être un secret d’état. Ça n’est pas vivable lorsque vous devez déjà sans cesse vous confronter pout le travail.
Tu tires ta chaise pour t’y asseoir, retires tranquillement ton manteau en attendant qu’on vienne vous apporter la carte. Et c’est à ce moment-là qu’elle se met à parler. Des mots assez simples, au début, une phrase qui a du sens, mais tu plisses les yeux comme si elle avait parlé en suédois. Ce n’est pas l’explication que tu attendais. Hum. Tu t’attendais à quoi ? Tu t’attendais à quoi, je vous prie ? Tu ne dis pourtant rien, tu te contentes de croiser tes mains sur la table, fronçant les sourcils, parce que tu ne t’attends à rien de bon. Allez, Tara. Parle. Et elle se met à parler.

Elle se met à parler, et plus elle parle plus tes yeux semblent s’ouvrir, à tel point que tu penses les avoir presque sortis de leur orbite. Mais elle parle toujours et lorsque c’est fini — lorsque c’est enfin fini, tu ne sais même pas quoi dire, et ce n’est qu’un vague « Je te demande pardon ? » qui franchit tes lèvres presque asséchées. « Tu peux répéter tout ça plus lentement, histoire que je sois sûr d’avoir bien entendu ? » Mais faut juste se rendre à l’évidence, tu as parfaitement entendu ce qu’elle a dit. Tu as parfaitement entendu qu’elle “avait une liaison avec le chef des Hunter Bloods”. Tu avales péniblement ta salive. « Et tu comptais attendre d’être enceinte pour me le dire ? » Il y a du monde autour, alors tu te retiens de crier, mais une fois que la surprise est passée, tu sens autre chose monter doucement et sournoisement en toi. Ça s’appelle la colère, et ça n’est pas réputé pour être un doux sentiment. « Est-ce que tu réalises qu’il n’en a probablement rien à foutre ?! » Ça ne va sûrement pas lui faire du bien, mais c’est juste la première pensée qui te vient à l’esprit quand tu penses à Abel Kozlowski. « Bordel, Tara qu’est-ce que… Je me fous de qui tu te tapes, ça ne me regarde même pas, mais juste… Juste… Pas lui… Pas ça... »