La situation allait de mal en pis : tandis qu'Alec partait à la recherche de sa soeur, Veronika se demandait comment elle allait pouvoir sortir Yloé, lourdement blessé, sans se faire elle-même abattre sur place. Il fallait absolument que l'équipe de son ami arrive, ou ils étaient tous perdus. Elle avait beau être entraînée et ne pas être peureuse, elle commençait à se dire que la situation était désespérée. Ce fut son petit protégé qui la ramena à elle, la tirant de ses pensées quand il lui parla. Elle lui fit un sourire tendre, de ceux qu'elle lui adressait souvent lorsqu'ils discutaient un peu. Ce gosse était attachant. Il se battait pour survivre. Elle ne voulait pas le perdre, pas maintenant, pas comme ça. Il lui brisa le coeur quand il lui demanda s'il allait mourir.

" Tant que je serai en vie, je me battrai pour qu'il en soit de même pour toi, d'accord? "

Elle était profondément sincère. Que ce soit pour ce soir ou pour le restant de leur vie, elle le protègerai autant qu'elle le pourrai. La jeune fille en face d'elle, qui était aussi une de ces gamins dont elle aimait tant s'occuper dès qu'elle le pouvait. Elle l'avait tirée de ça lorsque son grand-frère était en prison. Elle était si triste de la savoir là aujourd'hui, elle aurait mérité de s'amuser... comme tous les autres... alors qu'elle s'apprêta à lui demander si elle se sentait capable de l'aider, Flavia s'écroula. C'est pas vrai! Rapidement, elle vérifia si elle respirait encore: c'était le cas. Elle n'avait pas l'air lourdement blessée. Le saignement de nez inquiéta l'ancienne étudiante militaire, elle espéra qu'il n'était pas signe d'une hémorragie... mais pour l'instant, Yloé devait être sa priorité. Elle revint auprès de lui et lui passa une main sur le visage.

" Ca va aller. "

Elle enleva la veste que lui avait confié Alec. Foutue pour foutue... elle retira le restant de sa robe, se retrouvant en sous-vêtements, sans se préoccuper des regards extérieurs. De toutes façons, tout le monde était bien trop occupé à survivre. Elle remit rapidement la veste, qu'elle referma, histoire de ne pas être non plus directement exposée au cas où, puis plia son vêtement blanc de manière à en faire une sorte d'énorme compresse. Elle la posa au niveau de la blessure d'Yloé, gardant ses mains appuyées dessus.

" Ca va pas être agréable, mais ça va t'éviter de perdre encore plus de sang. Il faudrait que je trouve de quoi - " elle n'eut pas le temps de finir sa phrase: une nouvelle rafale de balles retentit. Cette fois-ci, elle fut dirigée vers l'estrade. Pas directement visée, puisque personne ne vint soulever le drap qui servait de mur entre les tireurs et eux, elles allèrent cependant ricocher contre un tas de chaises empilées, lesquelles s'écroulèrent sur un des pieds de l'estrade. Cette dernière flancha, avant de reprendre sa place initiale. Perturbée par le mouvement, Veronika prit moins garde au reste et tout se passa tellement vite qu'elle ne put anticiper une seconde rafle de tirs. Cette fois-ci, certaines balles traversèrent le rideau protecteur, abattant la jeune femme que la grande brune avait rassurée quelques minutes auparavant et l'une d'elle passa si près du visage de Veronika qu'elle sentit sa peau se déchirer au niveau du front. Le souffle coupé, elle se plaqua au sol, tant à cause de la douleur que par sécurité. L'espace d'un instant, elle crut qu'ils étaient tous foutus, que les tireurs allaient venir par ici et qu'ils auraient lutté pour rien. Mais non. Ils n'étaient décidément pas organisés et avaient, une fois de plus, tiré dans le tas.

La jeune femme évita de regarder en direction de celle qui avait été sa compagne du soir, afin de ne pas perdre espoir. Elle commençait à être vraiment effrayée par la situation, mais elle ne voulait pas laisser tomber les jeunes qui étaient près d'elle, même si Flavia ne pouvait pas voir son état. Elle passa sa main au niveau de son front: elle saignait. Le visage saignait toujours beaucoup, aussi elle ne s'y formalisa pas. Elle ferma les yeux quelques secondes et se redressa, dégageant ses cheveux de son visage. Elle revint près d'Yloé et reprit son pansement de fortune, qu'elle tint avec une de ses mains. L'autre, elle la glissa dans celle de l'adolescent et la serra, tant pour le rassurer que pour se rassurer elle-même. Tout ça ne s'était passé qu'en l'espace de trois minutes, mais elle avait l'impression qu'il s'était écoulé une éternité. D'ailleurs, depuis combien de temps étaient-ils dans cette situation? Vingt minutes? Une demi-heure? Plus? Moins? Et pourquoi est-ce qu'Alec n'était toujours pas revenu? Et puis que foutent les flics, bordel?!

Veronika gardait son sang froid, parce que c'était plus que nécessaire. Elle ne se retournait pas, évitant de regarder les dégâts derrière elle. Elle était certes fille et petite fille de militaire, elle avait certes fait des études pour rentrer dans la Navy, mais ça n'avait jamais été son choix et s'en faire dégager avait été un soulagement pour elle. Alors elle savait comment agir, elle n'avait pas peur de se battre, mais la situation était tellement critique qu'elle commençait à se demander si elle allait finir cette journée vivante... De nouveaux coups de feu retentirent. Veronika fronça les sourcils: l'arme semblait différente... ou bien est-ce qu'elle hallucinait totalement? Puis enfin, elle entendit la voix d'Alec et de Mina, ainsi que celle de... Lynn! Elle était ici, bien en vie et elle leur portait secours! Elle sourit en se rappelant de leur première rencontre: en quelques sortes, c'était la deuxième fois qu'elle lui sauvait la vie... mais son sourire retomba instantanément: ça n'était pas le moment propice à la nostalgie. Tous agirent rapidement pour sortir de ce refuge qui était devenu une prison mortuaire. Quand l'électricité sauta, provoqua cris de surprises et nouvelles rafales, Veronika sursauta, mais elle suivit les ordres d'Alec, qui menait l'équipe d'une main de maître. Arme à la main, elle couvrait leurs arrières. Elle fut soulagée lorsqu'ils atteignirent enfin la salle de stockage. Sans discuter, elle rendit son arme à son ami flic lorsqu'il la lui demanda. Puis elle alla s'installer aux côtés d'Yloé et de Flavia, espérant de tout son coeur que tous les deux s'en sortiraient. Elle les aimait profondément, ces deux gamins qui travaillaient comme des malades pour se sortir des emmerdes. Mourir comme ça, ce serait vraiment trop bête. Le silence s'installa. Un silence lourd, que seuls leurs respirations coupait. Puis des voix, autoritaires, froides, retentirent. Veronika sursauta de nouveau et se releva d'un bond: la fatigue commençait à se faire vraiment sentir. Quand Alec leur dit que c'était, enfin, l'équipe de secours et que Lynn ouvrit la porte, elle crut qu'elle allait tomber dans les pommes. Elle dut se tenir au mur pour rester debout. Elle s'autorisa enfin à réaliser ce qui se passait et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle ne pleura pas cependant et elle se remit d'aplomb. Ses mains tremblaient légèrement, mais elle rejoignit malgré tout ses deux amis policiers, ainsi que Mina, qui était elle aussi restée d'un sang froid impressionnant. C'était bien la soeur d'Alec...

"Si un jour on m'avait dit que je mettrais mes connaissances en application, je ne l'aurais pas cru!" Elle fit un sourire à Alec. "Merci pour la veste hein. Ca m'a vraiment évité de finir en petite tenue au milieu de tout ce bordel. Ca aurait été un peu gênant." dit-elle en montrant les vestiges de sa robe, qui avait servi à éponger le sang d'Yloé.

Un peu d'humour, parce que c'était ce dont elle avait besoin là, tout de suite. Détendre l'atmosphère. Il allait falloir passer parmi les cadavres et elle n'était pas certaine de tenir le coup. D'autant que Lynn expliqua rapidement que son cavalier était blessé, or son cavalier, c'était Gabriel, l'ami le plus cher qu'elle avait et ça lui déchirait le coeur de savoir qu'il partirai en urgence à l'hôpital. Hôpital auquel on lui intima de se rendre avec les infirmiers, pour vérifier qu'elle n'était pas blessée outre mesure et surtout, pour qu'elle passe à la cellule psychologique d'urgence mise en place. Pour le moment, elle était surtout heureuse d'être en vie... les conséquences de l'attentat se feraient peut-être sentir plus tard. Tandis qu'ils traversaient la salle, à présent sécurisée, Veronika évita de regarder autour d'elle et elle suivit sans discuter les infirmiers. Pour elle, c'était direction les unités de soin aux victimes. Elle serra tour à tour Alec et Lynn dans ses bras, les remerciant d'avoir été là, puis entraîna Mina avec elle dans l'ambulance. On ne l'y reprendrai probablement plus de si tôt à se rendre à un bal masqué !