Voilà plusieurs jours que la vie de Connor avait été totalement chamboulée. Et pour cause. Il avait retrouvé son fils. Ce fils qu'il avait abandonné avant sa naissance parce qu'il avait été trop lâche pour assumer à l'époque. En même temps, il n'avait été qu'un petit con de 20 ans, pas du tout prêt à devenir père. Alors il avait préféré fuir et abandonner la mère de son futur enfant. Il n'avait jamais cherché à les retrouver, à en savoir plus...même s'il n'avait cessé de penser à cet enfant. Jusqu'à récemment, il ne savait même pas s'il avait un fils ou une fille. Ça avait été un choc, mais finalement, il l'avait plutôt bien pris. Ben avait l'air d'être quelqu'un de bien. Quelqu'un qui avait laissé tomber ses projets pour retrouver son père. Connor s'en voudrait sans doute un bon moment pour ça, même si Ben lui avait assuré de ne pas s'en faire, que c'était son choix. Ce gosse était très surprenant. Connor s'était imaginé une rencontre ponctuée de cris, voire de coups et de reproches. Et cette rencontre ne s'était pas du tout déroulée de cette façon-là. Ben s'était montré parfaitement calme, mature. Alors qu'il avait pourtant  failli se faire draguer par son propre père. Mais passons. Connor avait encore du mal à réaliser, à se dire que son fils était là, qu'il vivait avec lui. Car oui, après leur rencontre, le pompier avait proposé au jeune homme de s'installer chez lui. Il espérait bien sûr apprendre à le connaître, il espérait pouvoir créer un certain lien avec lui et surtout, il espérait se racheter.

Il était rentré peu de temps auparavant, après une journée de travail plutôt épuisante. Être pompier n'était certainement pas de tout repos, mais Connor ne s'en plaignait jamais. C'était sa vocation, sa passion. Il aimait son métier et n'avait jamais envisagé en exercer un autre, même après plusieurs interventions difficiles, même après plusieurs blessures. Jouer les héros des temps modernes...oui, ça lui plaisait. Rien ne valait le sourire et l'émotion d'une personne qu'on venait de sauver. Rien ne valait la gratitude de quelqu'un qui avait failli tout perdre. Ce soir, lorsqu'il rentra chez lui, il se dirigea tout de suite vers la salle de bain pour prendre une bonne douche bien méritée. Il se faisait même violence pour ignorer les miaulements de Batman, son chat, qui réclamait à manger. Comme à presque chaque moment de la journée. Ce chat était un vrai ventre sur pattes. Il resta un moment sous la douche avant de finalement en sortir, se sécher et revêtir des habits propres. Ce fut à cet instant qu'il entendit sonner à la porte. Il sortit de la salle de bain juste à temps pour voir Ben se diriger vers la porte d'entrée pour ouvrir.

Il s'apprêta à le rejoindre, se disant que ça devait être pour lui, jusqu'à entendre la voix de sa voisine. La petite mamie qui avait eu une vue parfaite du corps de Connor. De tout son corps. Par inadvertance, certes, mais le résultat était le même. Le jeune homme s'était senti tellement embarrassé que depuis ce jour, il évitait soigneusement la mamie qui avait semblé apprécier un peu trop la vue. Une seconde...pourquoi se pointait-elle maintenant ? Alors que Connor venait de prendre sa douche ? Elle n'avait tout de même pas entendu l'eau couler ? Aurait-elle fait exprès d'arriver à ce moment précis, espérant le voir à moitié nu, encore une fois ? Bon sang...c'était sans doute de la paranoïa. Oui, c'était obligé...
Connor croisa le regard de Ben et lui signifia de dire qu'il n'était pas là. De là où il était, la mamie ne pouvait pas le voir, mais Ben, si. D'ailleurs, la vieille dame s'enquit aussitôt de la présence de Connor. "Bonjour, jeune homme ! Est-ce que Monsieur Connor est là ?" Monsieur Connor...c'était tellement ridicule et pourtant, elle l'appelait tout le temps comme ça. Une nouvelle fois, il secoua la tête et fit signe à Ben de ne rien dire. "Pardon de vous déranger, vraiment...Je suis à court de sel. Vous en auriez un peu pour moi ?" Quoi ? Encore l'excuse du sel ? Bon sang...elle en avait après lui, ce n'était pas possible autrement ! Et bien sûr, Batman s'approcha de Connor et se mit à lui miauler dessus. "Ssshhh ! Tais-toi !" Il avait chuchoté ces mots, espérant que la mamie ne l'ait pas entendu. Bien sûr, le chat n'en avait rien à faire et continua à lui miauler dessus. Aux grands maux, les grands remèdes ! Connor attrapa le pauvre Batman et alla s'enfermer dans sa chambre avec lui, tout en prenant garde à ne pas claquer la porte ou à ne pas faire trop de bruit. Obligé de se cacher de sa voisine, une mamie pourtant adorable. Obligé de demander à son fils de mentir...on aura tout vu.

Codage par Libella sur Graphiorum

Allongé sur ton lit, les yeux rivés sur un exercice de biologie dont tu ne comprenais même pas ne serait-ce que les termes de l'énoncé, tu t'apprêtais à lâcher un énième soupir, à lever les yeux au ciel une énième fois comme si exprimer bruyamment ta frustration pourrait te permettre par miracle de comprendre ce que tu essayais de faire, lorsque tu entendis la porte d'entrée claquer puis rapidement l'eau se mettre à couler dans la salle de bain, signe que ton père avait terminé sa journée, tu étais ici depuis seulement quelques jours mais tu connaissais déjà sa routine par cœur...Ton père, c'était étrange de te dire que c'était vraiment lui, à vrai dire à part dans de rares moments comme celui-ci tu ne réalisais pas vraiment, tu n'y pensais pas vraiment non plus à vrai dire, il t'avait tant manqué lorsque tu étais enfant, tu l'avais cherché si longtemps, avais tellement hésité avant d'aller vers lui une fois arrivé ici que tu n'arrivais pas à te dire que c'était réel tout ça, que tu vivais vraiment avec lui maintenant, que vous aviez enfin une chance d'apprendre à vous connaître, de rattraper tout ce temps perdu, tu avais tellement imaginé les pires scénario, tu avais tellement fini par t'auto-persuader que les choses ne se passeraient pas comme tu l'espérais que tu avais encore du mal à te dire que c'était vrai, que tu vivais avec lui, qu'il était là pour toi, tu avais juste du mal à lâcher prise avec ce qui avait été si longtemps ton combat...
Tu t'apprêtais à retourner à ton exercice, à te concentrer sur tes devoirs plutôt que sur l'analyse de tes sentiments lorsque cette fois ce fut le bruit de la sonnerie de la porte, ce bruit probablement créé pour réveiller les morts, qui te fit sursauter et interrompit ta lecture à la même phrase que précédemment, à croire que personne dans cet immeuble ne voulait que tu réussisses ton année, avec un soupir mi agacé, mi résigné, conscient que ton père n'était ni en position, ni en tenue pour aller ouvrir la porte, tu te levas, tombant nez à nez avec une petite mamie qui te demandait si Monsieur Connor était là...Monsieur Connor, tu dus faire tous les efforts du monde pour ne pas éclater de rire tant c'était ridicule de l'appeler ainsi, efforts que tu dus encore intensifier lorsque tu vis le dit Connor caché hors de sa vue, te faisant de grands signes de tête, des regards plus qu'explicites pour te faire comprendre qu'il n'était pas là et même si une partie de toi mourrait d'envie de le trahir, pour se moquer, ne sachant pas réellement pourquoi il agissait ainsi et ne voulant pas l’embarrasser s'il s'agissait de quelque chose de sérieux, tu finis par simplement secouer la tête négativement

« Il est toujours au travail, je peux peut-être vous aider ? »

Tu aurais probablement mieux fait de te taire, arrêter ta phrase après avoir dit qu'il n'était pas là au lieu de proposer poliment ton aide, puisque immédiatement elle saisit la perche que tu lui tendais, te demandant si tu pouvais la dépanner d'un peu de sel.

« Bien sûr »

Bien sûr...C'était vite dit, tu n'étais ici que depuis peu de temps et en toute honnêteté même chez ta mère chez qui tu avais vécu toute ta vie tu n'avais pas la moindre idée d'où le sel se trouvait, tu n'étais pas vraiment un grand cuisinier, pas du tout à vrai dire, ton seul talent résidait dans le fait d'être capable de mémoriser les numéros de téléphone de multiples restaurants...Essayant de jeter un regard suppliant à ton père pour savoir quoi faire, tu n'obtins pas beaucoup plus de réponses de ce côté là, le découvrant en pleine dispute avec son chat avant de se retirer dans sa chambre, te laissant seul avec ce problème de sel introuvable et de voisine imperturbable à laquelle tu fis signe de patienter quelques instants.

Après avoir ouvert quelques placards sans grande conviction, toujours pas la moindre trace de sel, mais trônant sur l'étagère, tu vis un paquet de sucre, hésitant, tu finis par te dire qu'après tout à son âge elle ne devait plus très bien voir, la différence passerait inaperçue au moins jusqu'à ce qu'elle y goûte, alors haussant les épaules tu mis un peu de sucre dans un petit sachet, lui donnant l'air le plus innocent du monde sur le visage, réussissant à te retenir de rire juste assez de temps pour la saluer et refermer la porte.
Contrôlant ton fou rire de ton mieux, même si tes yeux devaient encore te trahir, tu te dirigeas vers la chambre de ton père, où tu le trouvas en compagnie du chat


« C'était quoi ça ? »

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Connor était lâche. Lâche au point de se planquer et de laisser son fils gérer la situation. Mais quelle situation au juste ? Que pouvait bien lui faire une pauvre mamie qui voulait juste du sel ? Mouais. Connor voyait clair dans son jeu ! Depuis le fameux incident de la serviette, elle essayait de revoir un petit spectacle similaire. Comme si le pompier était du genre à se laisser draguer par des mamies ! En fait, ça le mettait terriblement mal à l’aise. Bon sang. Pourquoi lui ? Pourquoi son chat avait fait ça, ce jour-là ? Pourquoi la serviette ? Pourquoi la vie ? Bon, d’accord…évitons de partir trop loin. Enfin, dites ça au cerveau de Connor qui partait en vrille totale, alors qu’il écoutait l’échange entre la voisine et Ben d’une oreille distraite. Quel père indigne il faisait. En même temps, ça ne changerait pas vraiment d’avant. Il avait toujours été un père indigne…sauf que maintenant, son fils faisait partie intégrante de sa vie et vivait même chez lui. Il ignorait combien de temps il était resté planqué là comme un con avec son chat, mais finalement la porte s’ouvrit sur Ben. Et Ben n’avait pas l’air vraiment ravi. Comme pris en faute, Connor avait lâché le chat qu’il avait tenu dans ses bras jusque-là. Le chat sortit de la chambre en vitesse et alla directement voir s’il y avait quelque chose dans son bol. Comme si de la bouffe était apparue par magie entretemps. Ah, ces chats ! « Hein ? »

Connor se leva de son lit où il s’était posé et se passa la main dans la nuque en riant bêtement. « Je vois pas de quoi tu parles. » Bien sûr, Connor, bien sûr. Il finit par pousser un petit soupir, ne sachant pas vraiment quoi dire. La situation était tellement ridicule qu’il avait honte d’en parler. Mais il devait bien ça à Ben. Après tout, il lui avait rendu un fier service. « Si tu veux tout savoir… cette mémé me drague ! Et c’est gênant ! » Sauf que ce n’était pas toute l’histoire. Le pompier soupira une nouvelle fois. « C’est la faute de Batman ! » Son chat, ça allait de soi. « Y a quelques semaines…j’ai entendu sonner et je sortais tout juste de la douche. J’ai donc ouvert en serviette… c’était la mémé qui voulait du sel. J’te jure, elle doit en consommer des tonnes vu toutes les fois où elle m’en a déjà demandé ! » Il se passa une main sur le visage, se préparant mentalement à continuer sa petite histoire. « Batman est arrivé et a commencé à faire ses griffes sur ma serviette… la serviette est tombée et j’me suis retrouvé à poil devant la mémé ! » Pourquoi avait-il dit ça à Ben ? Pourquoi ? Le jeune homme allait certainement se moquer de lui, maintenant. En plus, il n’avait raconté ça à personne jusqu’à présent. Il en avait bien trop honte. « Alors voilà… j’ai plus trop envie de la voir. Elle cherche n’importe quel prétexte. Parfois, je la soupçonne même de guetter le moment où je prends ma douche pour espérer que ça se reproduise ! Mémé est une perverse, j’t’le dis, moi ! » Sérieux, Connor…tu as quel âge ?

Il fronça les sourcils et regarda Ben droit dans les yeux, l’air extrêmement sérieux. « Jure-moi que tu le diras à personne. T’es le premier à qui je le dis et tu seras le dernier. Alors garde ça pour toi. C’est déjà assez gênant comme ça… » Il poussa un nouveau soupir, puis quitta sa chambre pour retrouver son chat en train de miauler comme un taré devant son bol. « C’est ta faute, tout ça ! » Il avait beau râler et le réprimander, ça ne l’empêcha pas de sortir les croquettes pour en donner au petit félin. En même temps, comment résister à ses grands yeux et à sa bouille toute mignonne ? Il fallait être sans cœur pour ne pas craquer !

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Les yeux encore brillants du fou-rire que tu venais d'avoir après avoir décidé de donner du sucre au lieu du sel à la mémé, pariant sur ses capacités oculaires limitées pour qu'elle ne se rende compte de rien, tu finis par ouvrir la porte de la chambre de ton père, essayant tant bien que mal de porter un regard sévère sur ce dernier. Quel genre de père allait se cacher dans sa chambre pour laisser son fils gérer ce genre de situation ? Qui plus est son fils qui venait d'arriver il y a peu de temps, ne cuisinait rien d'autre que des pizza surgelées et ne connaissait donc rien à la configuration de la cuisine ? Le tien de toute évidence et même si ta première intention avait été de lui faire remarquer que tu n'avais pas réellement apprécié son comportement, le ton que tu employas en lui demandant des explications étant d'ailleurs un peu sec, la réponse qu'il t'apporta te fit perdre toute trace de sévérité, rapidement remplacée par une franche incrédulité, selon lui la gentille mémé de l'étage le draguait, c'était pour ça qu'il l'évitait.

« Pardon quoi !?»

Les mots étaient sortis malgré toi, l'exclamation un peu trop forte, tu n'arrivais pas à savoir s'il était sérieux ou non, s'il s'agissait là de la vérité, auquel cas tu avais soudainement très envie d'oublier ce que tu lui reprochais pour en savoir plus ou s'il s'agissait d'une fausse excuse, auquel cas son niveau était clairement pathétique, même dans tes pires moments tu n'avais jamais sorti une telle absurdité.
Autant dire que sa justification suivant, reportant la faute sur Batman, le chat de la maison, ne réussit qu'à te perdre encore plus, te faisant même te demander un instant si ton père était sobre après tout était-il franchement normal pour une personne en pleine possession de ses moyens de déclarer se faire draguer par une grand-mère à cause de son chat ? Ça n'avait absolument aucun sens tout ça.
Heureusement pour lui, heureusement pour toi, il finit enfin par se lancer dans le récit de cette histoire, t'expliquant que quelques semaines auparavant, alors qu'il sortait de la douche, quelqu'un avait sonné chez lui, il n'avait alors rien trouvé de plus pertinent à faire que d'ouvrir en serviette, dès cet instant du récit tu avais déjà deviné la suite, le chat avait tiré sur la serviette et ton père avait terminé le service trois pièces à l'air devant la voisine qui de toute évidence avait fortement apprécié le spectacle d'un jeune pompier musclé dans le plus simple appareil et avait envie de renouveler l'expérience.
Cette fois oublié la rancune, le fou-rire t'avait définitivement gagné, tu n'imaginais que trop bien la scène et autant dire que tu ne t'en remettais pas et en même temps, même si tu t'abstenais clairement de le dire, c'était entièrement sa faute, quel humain normalement constitué ouvrait à une personne inconnue en simple serviette ? N'avait-il jamais entendu parler d'une fabuleuse invention appelée caleçon ou encore mieux pantalon ? Ne s'était-il pas dit qu'au pire s'il s'agissait d'une urgence la personne insisterait ou  reviendrait plus tard ? De toute évidence non, à aucun moment, si tu n'étais pas autant occupé à te moquer de lui, tu désespérerais presque d'un tel manque de logique, heureusement pour ses partenaires qu'il était beau, ça avait au moins l'avantage de compenser.
Après de longues minutes à tenter vainement de t'arrêter de rire, tu finis tout de même par reprendre ton souffle suffisamment longtemps pour redevenir sérieux un instant

« Ça va, ça va je dirais rien promis mais franchement c'est de ta faute aussi, on ouvre pas aux inconnus presque nu, peu importe l'urgence il faut une tenue adaptée à la situation, je suppose que ça te viendrait pas à l'esprit d'aller en intervention en caleçon par exemple»

Du moins tu l'espérais.
Tu finis par le suivre dans la cuisine où le chat vous attendait patiemment devant son bol, visiblement peu sensible au drame qu'il avait provoqué

« Tu t'en fiches toi boule de poil pas vrai ? »

Tu restas dans la cuisine quelques instants à caresser le félin avant de réaliser qu'il serait peut-être intelligent de prévenir ton père de ce que tu avais fait

« Euh...Papa ? »

Tu espérais que ne pas l'appeler par son prénom pour une fois suffirait à l'amadouer

« J'ai peut être donné du sucre à la mémé parce que je savais pas où était le sel »

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Il l’avait dit. Il l’avait vraiment dit à Ben. Et maintenant, son propre fils se moquait de lui. En même temps, à quoi s’était-il attendu ? Il aurait certainement eu la même réaction si les rôles avaient été inversés ou si un de ses potes lui avait raconté ça. Mais en l’occurrence, ça le concernait, lui. Et du coup, il trouvait ça un peu moins drôle. Même si le fou rire de Ben était contagieux. Très contagieux. Tellement contagieux que Connor finit par éclater de rire, lui aussi. Il en avait même presque les larmes aux yeux. Bon sang, c’était tellement ridicule quand on y réfléchissait. Il avait 40 ans et il se planquait devant une mamie qui avait eu le malheur – ou le bonheur – de le voir en tenue d’Adam. Première et dernière fois ! Le pompier allait s’en assurer ! Il ignorait combien de temps ils avaient ri, mais une fois qu’ils furent tous deux calmés, Ben s’adressa à lui et Connor eut l’impression d’être le fils et non l’inverse. Leur relation était tellement étrange, en même temps. Sérieux, un fils limite plus mature que son père… on aura tout vu ! « Oh, ça va ! J’ai pas réfléchi ! Je pensais justement que c’était une urgence vu comment elle insistait ! Et j’ai pas pensé que Batman me trahirait ! » Oui, Batman l’avait trahi et le pompier avait mis longtemps avant de lui pardonner. Bon..d’accord…Une minute à tout casser. Mais comment résister à cette adorable bouille ?

En parlant d’adorable bouille, il se rendit dans la cuisine pour donner à manger au chat. Tandis que le petit félin mangeait, Connor observa un instant Ben qui caressait l’animal. Un petit sourire se dessina au coin de ses lèvres. C’était mignon. Quoiqu’on en dise, il était content d’avoir retrouvé son fils et il allait de soi qu’il tenait beaucoup à lui. Même si ça lui faisait parfois encore bizarre de se dire qu’il était vraiment père et que, de ce fait, il était tout de même responsable de lui, il l’aimait cet idiot. Cette réalisation lui faisait quand même un peu peur car il craignait de le décevoir, de ne pas être à la hauteur. Mais il avait tellement mal commencé il y a vingt ans qu’il ne pouvait que mieux faire, non ?
Et là…ce fut le bug total. Ben avait repris la parole pour l’interpeler et pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient, le jeune homme l’appela « Papa ». Jusqu’à présent, il avait toujours utilisé son prénom et maintenant il lui sortait ça comme ça ? Sans l’avoir prévenu ? Sans la moindre préparation ? Oui, Connor était sous le choc. A tel point qu’il avait à peine entendu ce que son fils lui avait dit ensuite. Il l’avait appelé « Papa »… Pourquoi ça lui faisait un tel effet ? C’était limite s’il n’avait pas envie de pleurer. Merde, alors ! Ça le rendait tellement heureux, il ne savait même pas pourquoi. Bon sang, il devait se reprendre ! Il s’asséna une gifle mentale et cligna des yeux comme un con. « Hein ? Quoi ? » Il n’avait pas l’air con du tout comme ça, pas du tout.

Une seconde. Il avait parlé de sucre et de sel… ? Il avait donné du sucre à la mamie au lieu du sel ? Une fois qu’il eut réalisé ce fait, Connor se remit aussitôt de son choc et éclata de rire. Il ne devrait pas rire pourtant. Ce n’était pas sérieux. Mais rien que d’imaginer la mamie en train de cuisiner, toute contente de son plat… avant de faire une tête pas possible en goûtant… Non, vraiment, impossible de ne pas rire. « On dira que tu m’as vengé. » Il se remit à rire et ébouriffa les cheveux de Ben avant de lui coller un bisou sur la joue. C’était la première fois qu’il avait une telle marque d’affection envers lui. Sans doute l’effet du « Papa ». « T’es le digne fils de ton père ! » Il se remit à rire bêtement. Le digne fils de son père, hein ? Pas sûr que ce soit une bonne chose. « Ça te dit de manger ensemble, ce soir ? T’as envie de quoi ? » Autant lui faire plaisir.

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En entendant les justifications de ton père, tu ne pus faire autrement que lever les yeux au ciel sans ajouter un mot de plus, l'expression de ton visage devant bien laisser deviner d'elle-même ce que tu pensais, ouvrir la porte en serviette de bain, peu importe l'urgence de la situation, qui plus est quand on possédait un animal à quatre pattes aussi vif que Batman était de l'inconscience pure mais dans tous les cas le mal était fait et il se retrouvait avec une petite mamie probablement en manque de compagnie, à qui la vision de son corps nu avait beaucoup plu...A cette pensée, tu manquas de te remettre à rire à nouveau, décidant plutôt de rejoindre Batman dans la cuisine qui mangeait tranquillement, inconscient du drame qu'il avait provoqué, ou peut-être parfaitement conscient, qui sait, en tous les cas il n'avait pas l'air perturbé le moins du monde par ce qui se jouait par sa faute, pas plus que par tes innombrables caresses et bisous, tu étais loin, très loin d'être quelqu'un de particulièrement tactile, à part quand on te payait pour le faire bien entendu, mais les chats étaient ton point faible.
Ce fut après de longues minutes de caresses et de ronronnements en tout genre que tu finis par réaliser que même si toute cette situation était bien drôle, il était peut être temps de prévenir ton père de ce que tu avais fait exactement, tu étais presque sûr qu'il ne t'en voudrait pas, de toute façon il n'avait pas intérêt, c'était lui qui t'avait laissé gérer la situation dans une cuisine que tu ne connaissais pas, ce que tu n'avais pas prévu en revanche fut le mot qui glissa hors de tes lèvres lorsque tu l'interpellas.

Papa.

Dans un sens le choix était conscient, spécifiquement fait pour l'amadouer en ne l'appelant pas par son prénom, en supprimant cette distance que tu maintenais encore entre vous depuis vos retrouvailles récentes et pourtant tu n'avais pas prévu qu'il te ferait un tel effet...En le prononçant, en entendant ces deux minuscules syllabes figées dans l'air, tu sentis immédiatement les larmes qui brûlaient tes yeux. Il était ton père pourtant, c'était tout à fait logique de l'appeler ainsi, banal même, chaque enfant appelle son géniteur de cette manière mais pour toi c'était encore différent, après tant d'années à essayer de combler son absence sans succès, tant d'années à le chercher en vain, il était là, il était vraiment là et à en croire l'expression de son visage, le choc, la confusion, tu n'étais pas le seul à être complètement bouleversé, si tu avais été ce genre de personne, si tu avais été ne serait-ce qu'un peu plus démonstratif tu te serais probablement jeté dans ses bras à cet instant là mais non, tu étais toi, tu n'étais jamais que toi, tu le fixais comme un idiot, paralysé par l'émotion, alors qu'il en faisait de même, comme on dit, la pomme ne tombe jamais loin de l'arbre encore moins lorsqu'il s'agit du fruit défendu.

Heureusement pour toi, heureusement pour vous, les informations suivantes finirent enfin par monter à son cerveau et ce fut un grand rire qui résonna dans la cuisine, un rire tellement salvateur et libérateur que tu en fis de même alors qu'il t’ébouriffait les cheveux avant de te coller un bisou sur la joue en te disant que tu étais bien le digne fils de ton père, ce qui eut au moins pour mérite de réveiller ton côté un peu provocateur alors que souriant en coin tu répliquas aussitôt

« A l'exception que moi je mets au moins un caleçon avant d'ouvrir la porte à des inconnus »

Non, tu ne le laisserais jamais oublier ça, jamais.

En tous les cas tu acceptas avec plaisir son invitation à manger ce soir, par chance tu n'avais aucun client à rejoindre et en ce qui concernait le reste, tu ne te permettais jamais de tourner avant d'avoir entendu ses ronflements pendant au moins dix minutes d'affilé, tu n'avais pas de clef à ta porte et il était hors de question que ton père te retrouve dans le plus simple appareil en train de faire des choses plus ou moins inavouables simplement pour le plaisir de voir les zéros s'aligner sur tes comptes.

« Je veux bien une pizza »

Comme si la pizza ne composait pas déjà 90% de ton alimentation, les 10% restant étant pour la pâte à tartiner et le café

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Non. Il ne s’était pas attendu à ce que Ben l’appelle « Papa ». C’était la première fois depuis qu’ils s’étaient retrouvés, la toute première fois qu’on l’appelait comme ça, tout court. Et ça lui avait fait quelque chose. Il ne l’aurait pas cru et pourtant…pourtant, ça l’avait ému, ça avait fait naître une émotion encore inconnue chez lui jusqu’à ce jour. C’était perturbant. Mais il comptait bien s’y faire si Ben décidait de continuer à l’appeler comme ça. Il n’avait pas le choix ! Il n’allait pas se mettre à presque chialer ou à être totalement paumé à chaque fois, hein. En plus, il voyait très bien l’émotion de Ben aussi. Sans doute le jeune homme n’avait-il pas du tout prévu de réagir comme ça. Au fond de lui, Connor avait envie de le prendre dans ses bras, mais quelque chose le retint. Il ne savait pas vraiment quoi, mais il ne s’en sentit pas capable. Ou…pas digne ? C’était idiot, mais à ses yeux, il ne méritait sans doute même pas d’être appelé « papa ». Pas encore. Il avait quand même abandonné Ben avant sa naissance, il avait été un parfait connard doublé d’un lâche. Oui, Connor avait une piètre opinion de lui-même à ce sujet, même s’il ne pouvait pas changer le passé. Il devait aller de l’avant, regarder vers l’avenir et essayer de le construire avec son fils. Il voulait apprendre à vraiment le connaître, il voulait partager des moments inoubliables avec lui…bref, il voulait une relation père-fils normale. A défaut de pouvoir le prendre dans ses bras, il lui fit un bisou sur la joue. Mais ça aussi, c’était gênant. Merde. Heureusement, le sujet de la mamie le fit rire et il n’en voulait même à Ben de lui avoir filé le mauvais ingrédient.

« Hé ! Tu vas m’en parler encore longtemps ? Je te confie plus rien si c’est comme ça ! » Il fit une moue vexée et croisa les bras. C’était vraiment à se demander qui était le gamin ici. Bon, il faisait un peu exprès, mais tout de même. « Ça aurait pu arriver à n’importe qui ! » Il continua à faire du faux boudin pendant quelques secondes encore avant de radicalement changer de sujet et de proposer à Ben de manger ensemble. Il fut vraiment content que le jeune homme accepte. Vraiment. « Qu’est-ce que je disais ? Le digne fils de ton père ! Je pourrais bouffer des pizzas à longueur de journée. » Oui, bon, peut-être pas quand même. Au bout d’un moment, il risquerait d’en avoir ou, pire, d’en être dégoûté. Quoiqu’il en soit, il attrapa son téléphone et appela sa pizzeria préférée après avoir demandé à Ben ce qu’il voulait. Quelques instants plus tard, c’était commandé. « Bon ben, plus qu’à attendre. » Il se dirigea vers le frigo et en sortit une bière avant de se tourner vers Ben. « T’en veux une ? On va pas chipoter pour un an, tu crois pas ? » Parce que non, son fils n’avait pas encore l’âge légal de boire, mais franchement….on s’en fichait, là, tout de suite. Et puis, techniquement, c’était légal pour un mineur de boire en compagnie d’un parent. A Chicago, du moins. Oui bon, on s’en fichait. Ils étaient chez eux, personne ne viendrait contrôler ce que Ben buvait, ce soir.

En attendant les pizzas, Connor s’installa dans le canapé avec sa bière et alluma la télé. « T’as envie de regarder un truc en particulier ? » Il se tourna vers son fils et se rendit compte qu’il ne connaissait pas encore vraiment ses goûts. « D’ailleurs, t’aimes regarder quoi, généralement ? » Connor s’imaginait déjà en train de regarder le Superbowl en compagnie de Ben, même s’il n’était pas un grand fan de football, c’était un grand événement et un événement qu’il était sans doute agréable de partager avec Ben. Soudain, Batman surgit de nulle part et sauta sur Connor comme une furie. Sans doute avait-il son quart d’heure de folie. Mais à cause de ça, Connor renversa un peu de sa bière sur son pantalon. « Merde, Batman ! Je venais de me changer ! » Il poussa un soupir, se leva, posa la bière sur la table basse et se dirigea vers sa chambre pour changer de pantalon. Franchement, ce chat ! Il pouvait être adorable, mais quand il pétait les plombs comme ça, il était chiant. D’ailleurs, il était en train d’embêter Ben à présent. « J’te confie la bête ! » Il se mit à rire doucement et disparut dans sa chambre le temps de se changer avant de revenir au salon. « Bon ! Où en étions-nous ? »

Codage par Libella sur Graphiorum

En te confiant son aventure -façon de parler- avec la mamie de l'étage, ton père ne s'attendait probablement pas à ce que tu te moques de lui à ce point, il fallait dire que tu cachais bien ton jeu, derrière tes airs sérieux, matures et, il fallait bien le reconnaître, bien plus adultes que lui, tu étais parfois pire qu'un gamin et cet incident là il pouvait en être sûr, tu lui en parlerais pendant encore de longues, très longues années, tu ne lui laisserais jamais l'occasion d'oublier cette fois où  il avait cru bon d'ouvrir la porte en serviette sans se souvenir de l'existence de son chat, terminant donc dans le plus simple appareil face à une grand mère à qui le spectacle n'avait de toute évidence pas déplu, quoiqu'il en dise ça ne pouvait pas arriver à n'importe qui, n'importe quelle personne en pleine possession de ses facultés intellectuelles savait qu'il ne fallait pas ouvrir à quelqu'un si le risque de finir nu était plus élevé que zéro, tu ne le dis pas, pour ne pas en rajouter encore plus mais le regard que tu lui jetas à cet instant là, un sourcil légèrement arqué parlait pour toi et suffit à clôturer le débat, ton père changeant radicalement de sujet pour te proposer de dîner avec lui.
Par chance tu n'avais rien de prévu ce soir, pas de cours, pas de client à retrouver et pour le reste il était de toute façon exclu que tu fasses quoique ce soit alors qu'il était présent et éveillé, tu finis par accepter rapidement, un sourire se dessinant sur tes lèvres en parfait miroir du sien alors que tu l'observais passer votre commande en silence, tu avais encore du mal à réaliser que c'était vrai tout ça, que tu avais vraiment réussi à retrouver ton père après toutes ces années, que toutes ces recherches, toutes ces heures passées à fouiller dans les affaires de ta mère, dans des souvenirs qui n'appartenaient pas à ton propre passé, toute ces heures passées à culpabiliser avaient fini par payer, tu voyais bien que lui-même était perdu dans tout ça, tu voyais bien dans ses hésitations, dans ses silences et dans ses maladresses sa volonté de bien faire et sa peur viscérale de ne pas faire comme il faudrait mais plus que ça, ce qui te touchait vraiment, c'était voir à quel point il était heureux des petits rien, le voir sourire comme ça pour une simple soirée pizza alors que pour ta mère te voir tous les jours était si banal qu'à la fin elle ne prenait même plus la peine de manger avec toi...Ton père tu l'avais tour à tour idéalisé puis détesté, de héros il était devenu nemesis mais aujourd'hui quand tu le regardais tu voyais clairement qu'il n'était rien de tout ça, il était simplement un homme, un homme comme tous les autres avec ses bons, ses mauvais côtés, ses erreurs, ses regrets, un homme qui n'était pas prêt, qui n'avait probablement jamais eu l'opportunité de se racheter et cet homme tu le comprenais, plus tu vivais avec lui, plus tu l'aimais.
Ce fut sa voix à demi étouffée venant du frigo qui te tira de tes pensées : « T’en veux une ? On va pas chipoter pour un an, tu crois pas ? »
La proposition était tentante et au fond tu étais pratiquement sûr que tu pouvais bien accepter une bière une fois, que ça ne pourrait pas faire de mal mais était-ce bien sage de tenter le diable ?

« Un coca c'est bien, je bois pas d'alcool »

La phrase exacte était plutôt « je ne bois plus d'alcool » mais tu n'avais aucunement envie d'aborder ce sujet avec lui, tu n'avais aucunement envie de lui donner cette image là de toi, personne dans ta vie aujourd'hui à l'exception de ta mère bien entendu n'avait connu ce mioche paumé, accro à l'addiction elle-même, enfermé dans une relation toxique, malsaine, destructrice que le jeune adulte que tu étais ne cessait de regretter en secret.
Heureusement le sujet fut vite balayé et remplacé par quelque chose que tu maîtrisais bien mieux à savoir ce que tu aimais regarder, un sourire se dessina sur tes lèvres, encore une question qu'il risquait de regretter d'avoir posée.

« Des films d’horreur surtout les bien kitsch des années 1970 avec les effets spéciaux loupés. Quand j'avais environ 12 ans j'ai forcé ma mère à regarder l'Exorciste en boucle tous les jours pendant un mois, j'ai cru qu'elle allait finir par me jeter dehors, avec le DVD »

Durant quelques secondes tu te demandas si c'était une bonne chose de parler de ta mère en sa présence mais dans un sens tu n'allais pas non plus faire comme si tu t'étais élevé tout seul jusqu'ici, cela dit Batman ne te laissa pas vraiment pousser ta réflexion beaucoup plus loin puisque, surgissant de nul part, il sauta sur les genoux de Connor qui renversa sa bière sur son pantalon tout neuf, la scène était si comique que tu ne pus t'empêcher de rire un peu avant d'attraper la bête et de la caresser, ce fut donc dans un salon transformé en véritable concert de ronronnements que ton père refit son apparition une fois changé.

« On en était à l'époque où j'ai failli me retrouver tragiquement à la rue avec un DVD de l'Exorciste sous le bras »

Codage par Libella sur Graphiorum